Saturninus
Saturninus, homme sage, pondéré et courageux, était l’un des meilleurs généraux de l’empereur Gallien.
Comme il avait remporté quelques victoires contre les Barbares, ses soldats le revêtirent de la pourpre et le proclamèrent empereur. « Vous avez perdu un bon chef et gagné un bien mauvais souverain », commenta l’usurpateur, désabusé.
Il n’avait pas tort, le Saturninus ! Une fois juché sur le trône, ses belles qualités s’estompèrent. Il se montra cassant, autoritaire et capricieux.
Exemple : ayant une sainte horreur que ses soldats exhibent leurs jambes nues, il leur ordonna de porter continuellement (même couchés à table), un long manteau, léger en été, chaud en hiver.
Lassés de cette tyrannie, ses soldats le massacrèrent. (Histoire Auguste, Trente Tyr, XXIII).
Trebellianus
Trebellianus, chef de pirates, fut nommé empereur par les montagnards de l’Isaurie, au Sud-Est de l’Asie mineure (Turquie actuelle), puis fut vaincu et tué par le général égyptien Camsisoleus, frère de Théodote, celui qui avait mis fin à l’usurpation d’Émilien.
Cependant, commente savamment l’auteur de l’Histoire Auguste (Trente Tyr, XXVI), suite à la défaite de leur prétendant à l’Empire, les Isauriens se retranchèrent dans leurs montagnes et firent sécession. Cette attitude hostile leur valut, continue notre bon auteur, d’être considérés comme des Barbares et leur territoire fut entouré d’un épais rideau de fortification (limes), à l’instar des frontières les plus menacées de l’Empire.
Celsus
Alors que les Barbares envahissaient la Gaule et les Balkans, et tandis que l’empereur Gallien se gobergeait dans tous les bouges de Rome, les habitants de l’Afrique (du Nord) voulurent, eux aussi se doter d’un souverain capable et énergique. Sous la pression du proconsul d’Afrique et du commandant de l’armée de Libye, ils couronnèrent un certain Celsus, un homme qui en imposait plus par sa large carrure que par son intelligence foudroyante.
Celsus ne régna que six jours. Au septième, il fut assassiné par une femme nommée Galliena et qui n’était rien moins qu’une cousine de l’empereur Gallien. Comble d’horreur ! le cadavre de Celsus fut livré aux chiens, tandis que son effigie, attachée à une croix, était livrée aux lazzis de la populace.
Remarque :
Dans la courte biographie de Celsus (H. A., Trente Tyr., XXIX), l’intention satirique de l’auteur de l’Histoire Auguste semble évidente. Quand il lui fallut, pour faire bonne mesure situer au moins un de ses « Trente Tyrans » en Afrique du Nord, cet écrivain anonyme du début Ve siècle, païen lettré, ne put sans doute pas résister à la tentation de lancer quelques piques à l’encontre du christianisme triomphant.
Or, en ce début du Ve siècle, à l’époque où le rédacteur de l’Histoire Auguste écrivait, l’Afrique était profondément christianisée. L’Église chrétienne y brillait de tous ses feux (saint Augustin), et les fidèles chrétiens y étaient particulièrement intransigeants (les Donatistes, des hérétiques chrétiens plutôt « intégristes »).
Dans ces conditions, comment notre malicieux écrivain aurait-il donc pu résister au plaisir de donner à son imaginaire tyran africain un autre nom que Celsus ? N’était-ce pas celui du célèbre polémiste anti-chrétien du IIe siècle, celui de cet auteur d’un Discours de Vérité que seul le grand savant chrétien Origène avait été capable de réfuter (à grand-peine et plus de 70 ans après sa parution) ?
Comment résister aussi à l’envie de montrer les habitants d’Afrique (en majorité chrétiens à l’époque de la rédaction de l’Histoire Auguste) en train d’insulter et de profaner l’effigie de l’usurpateur Celsus, suspendue à une croix, quand cette disposition rappelait l’étendard impérial, le fameux labarum, en vigueur depuis Constantin le Grand, cet empereur chrétien qui, à tout prendre, n’était guère qu’un usurpateur lui aussi !
Dans l’esprit de l’auteur païen de l’Histoire Auguste, cette bizarre effigie de l’usurpateur, suspendue à une croix, pouvait même évoquer la problématique crucifixion de ce Christ, qui, finalement, n’était mort sur la croix « qu’en apparence »… comme Celsus, qui n’avait été pendu qu’en effigie !
Titus
Avec Titus (Histoire Auguste, Trente Tyrans, XXXII), nous sommes reportés plus de trente années en arrière.
Effectivement, en 235, un certain Titus (que l’historien grec Hérodien appelle Quartinus) disputa bien le trône à Maximin le Thrace en prenant la tête d’une révolte des archers arabes.Ce Titus fut tué dans sa tente par l’un de ses amis ou par ses propres soldats qui avaient rallié la cause de Maximin.
Ça ce sont les faits historiques !
L’auteur de l’Histoire Auguste, lui, en rajoute une couche. Il prétend que ce Titus avait épousé une dame issue de la haute noblesse – elle aurait été de la gens Calpurnia, c’est-à-dire l’illustre famille Pison. Cette digne matrone aurait possédé des perles ayant appartenu à Cléopâtre et une statue chryséléphantine à son effigie, placée dans le temple de Vénus, aurait été l’objet d’une fervente vénération.
Vive madame Titus !
Censorinus
D’après l’Histoire Auguste (Trente Tyr, XXXIII), Censorinus était un brillant homme de guerre. Il fut proclamé empereur par ses soldats alors qu’il atteignait l’âge de la retraite.
Comme tant d’autres vieilles ganaches, une fois couronné, il se montra d’une sévérité si insupportable que ses légionnaires se mutinèrent contre lui et l’assassinèrent.
Censorinus fut enterré près de Bologne où son épitaphe rappelait toute sa glorieuse carrière militaire en indiquant « Qu’il avait été heureux en tout, mais malheureux en tant qu’empereur ».
Après sa mort, le reste de sa famille, trouvant l’air de Rome irrespirable tant les mœurs y étaient corrompues, s’exilèrent en Bithynie (Turquie moderne). Ils y vécurent heureux et eurent beaucoup de petits Censorinus.