Trebonianus Gallus

251 – 253
Trebonianus Gallus
(Gaius Vibius Trebonianus Gallus)

Au début de l’année 251, l’empereur Dèce, « cet animal exécrable » comme le qualifie si charitablement l’écrivain chrétien Lactance (260-325), partit en guerre contre les Goths qui ravageaient les provinces danubiennes de l’Empire. Cette expédition lui fut fatale. Les Barbares, acculés au fond des marais de Mésie (Bulgarie actuelle) et complètement encerclés par des légions romaines, luttèrent avec tant de courage désespéré qu’ils anéantirent totalement l’armée de Dèce pourtant infiniment supérieure en nombre.
L’empereur trouva la mort dans la bataille, ainsi que son fils Herennius qu’il avait élevé à dignité de César. (Juin 251).

Après cette défaite aussi inattendue qu’incompréhensible, les soldats romains perdirent de leur superbe. Eux, toujours si prompts à revendiquer l’honneur de nommer l’empereur, mirent, une fois n’est pas coutume, une sourdine à leur orgueil. Ils acceptèrent que le Sénat règle le problème de la succession de Dèce. Les sénateurs désignèrent Trebonianus Gallus – on dit aussi Trébonien Galle, mais je ne sais si j’aime trop cette francisation bizarre.

Cela semblait un bon choix : Gallus, militaire originaire de Mésie (Bulgarie) et stratège expérimenté, pourrait sauver l’armée romaine harcelée par les Goths. Cependant, les Sénateurs avaient prescrit que Gallus ne gouvernerait pas seul. Pour instaurer une certaine continuité dynastique et pour honorer la mémoire de l’empereur tué au combat, Trebonianus Gallus devait adopter et prendre comme co-empereur le deuxième fils de Dèce, le jeune Hostilien.

À la grande exaspération des militaires qui haïssaient cette politique de faiblesse et des civils qui voyaient leur charge fiscale augmenter d’année en année, Trebonianus Gallus, échaudé par la désastreuse expérience de Dèce, s’empressa d’acheter la paix. Il versa un lourd tribut aux Barbares, ce qui d’ailleurs ne les empêcha nullement de ravager la Grèce et les côtes d’Asie Mineure.

Pour compléter ce tableau calamiteux, une terrible épidémie de peste, la plus grave depuis l’époque de Marc Aurèle, ravageait tout l’Empire. Le co-empereur Hostilien fut emporté par la maladie. L’empereur survivant se hâta de désigner son fils Volusien pour le remplacer. Cependant, outre le fait que le nouveau « César » n’avait le même charisme que le fils du grand empereur Dèce, la disparition prématurée d’Hostilien ainsi que la rapidité avec laquelle Trebonianus Gallus avait pourvu à son remplacement fit naître de fâcheuses rumeurs d’empoisonnement.

hostilien

Paix bâclée, invasions, épidémie, lourds soupçons, parfum de scandale, népotisme, tout cela n’était pas de nature à rehausser le prestige de l’empereur.

Et Gallus de commettre une autre erreur !
Pressé d’imposer son autorité à Rome et en Italie, l’empereur quitta le front balkanique et confia le commandement des légions à Émilien.
Un homme énergique que cet Émilien. Lassé de l’arrogance des Goths qui, malgré le traité de paix si chèrement payé, poursuivaient leurs incursions à l’intérieur de l’Empire, ravageant les Balkans et l’Asie mineure, le nouveau commandant en chef prit résolument l’offensive. Émilien franchit le Danube et attaqua les Goths sur leur territoire même. Les Barbares furent mis en déroute.

Et ce qui devait arriver arriva… À nouveau victorieuses, à nouveau arrogantes, les légions reprirent leurs bonnes vieilles habitudes d’insubordination. Elles acclamèrent Émilien et le désignèrent comme empereur.

Une nouvelle guerre civile commençait.

volusien

L’énergique Émilien marcha sur l’Italie à la tête de ses troupes et rencontra l’armée de son rival Trebonianus Gallus devant la ville de Spolète.
Et là, surprise !
Au lieu de combattre l’usurpateur, les soldats de l’empereur Gallus s’emparèrent de leur propre chef et le mirent à mort. Le co-empereur Volusien, fils de Gallus, fut également assassiné avec son père. (Mai 253).

La gloire et les récompenses promises par Émilien avaient ôté aux soldats de Trebonianus Gallus toute envie de risquer leur peau pour un chef « aux ongles trop pâles » (comme dirait le bon Robert Merle)…

La tradition veut que l’empereur Trebonianus Gallus ait poursuivi la politique persécutrice de Dèce. C’est ainsi que, dans le courant de l’année 252 ou au début de 253, le bon pape Corneille aurait été exilé à Centocelle (Centumcellae) près de Civitavecchia.

Mais si le pouvoir en place avait réellement voulu réellement « persécuter » la religion chrétienne, il ne se serait pas contenté d’exiler le pape Corneille à quelques kilomètres de Rome. C’est un peu comme si, les Anglais, après avoir péniblement vaincu Napoléon à Waterloo, avaient décidé de l’exiler à Fontainebleau !

Cela dit, il m’est bien difficile de croire que Gallus, aux prises avec une invasion étrangère, avec une guerre civile sur les bras, dans un pays ravagé par la peste, eût jamais le désir, le loisir et la possibilité de se lancer, tout à fait gratuitement, dans une politique de répression religieuse absurde. Et pour quels résultats ? Pour compromettre un peu plus encore son pouvoir chancelant et désorganiser encore davantage son Empire moribond et ruiné, sans doute ?