saturnius

Maxime

383 – 388
Maxime
(Magnus Clemens Maximus)

Au début de son règne, l’empereur Gratien avait démontré qu’il n’était pas dénué de certaines qualités. Ainsi, il avait vaillamment combattu les Alamans, les repoussant au-delà du Rhin par sa victoire à Colmar. Il avait même tenté d’aider son oncle Valens, aux prises avec les Goths du Danube… Et si le présomptueux empereur d’Orient avait été assez fou pour affronter seul les Barbares, sans attendre les renforts de son neveu, et s’il avait finalement trouvé la mort à la bataille d’Andrinople, ce n’était vraiment pas la faute de Gratien !

Mais, hélas, Gratien déçut bien vite les espoirs de ses sujets et de ses soldats ! Alors que les premiers tremblaient devant la menace barbare ou devant les agents d’un fisc impérial de plus en plus gourmand, et que les seconds s’amollissaient dans l’oisiveté, Gratien s’amusait inlassablement à son passe-temps favori : du haut d’une tribune, il s’amusait à trucider à coups de flèches de pauvres bestioles sauvages rassemblées dans un vaste enclos.

Ce ne furent pourtant pas les exploits cynégétiques de l’empereur d’Occident qui provoquèrent sa chute. Si les soldats, en majorité d’origine germanique, se mirent à grogner contre l’empereur, c’est parce qu’il négligeait de les récompenser de leurs peines pour réserver toutes ses faveurs à des archers asiatiques dont il appréciait l’habileté lors de ses « parties de chasse ». Malgré la violente odeur de crottin, de beurre rance et de vieux yoghourt avarié qui émanait de leur personne, Gratien prisait tant ces jaunes guerriers des steppes qu’il avait fait d’eux ses gardes du corps personnels… Un impardonnable affront pour les légionnaires germaniques ! Leurs demeures avaient été incendiées, leurs femmes violées et leurs enfants massacrés par les Huns, et maintenant, leur empereur bien-aimé confiait sa sécurité personnelle à ces ennemis abhorrés ! Comble de provocation : leur Gratien, le plus noble des Romains, aimait à se montrer en public revêtu du costume traditionnel des bourreaux de leurs peuples, veste rembourrée et botte de feutre souple !

Comme souvent, ce furent les légions de (Grande-)Bretagne qui prirent l’initiative de la révolte. Elles acclamèrent comme empereur leur commandant en chef Maxime (Magnus Maximus).

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maxime – magnus maximus

Ce Maxime était un militaire espagnol. L’on peut croire que ce n’est pas sans un certain sentiment de jalousie qu’il avait pris connaissance, quelques années plus tôt (389), de la promotion de son compatriote Théodose que Gratien avait élevé au rang d’empereur d’Orient, en remplacement du malheureux Valens. Il est donc vraisemblable qu’au-delà du mécontentement des soldats contre l’apathique Gratien, cette jalousie à l’égard de son compatriote constitua une des plus grandes raisons de l’usurpation de Maxime.

Maxime arma une flotte et envahit la Gaule. Toutes les forces de Gratien se rallièrent aussitôt à lui avec enthousiasme touchant. L’empereur Gratien, pris de panique, s’enfuit précipitamment de Paris, accompagné seulement de quelques cavaliers asiatiques qui lui étaient restés fidèles. Toutes les villes lui fermèrent leurs portes à l’exception de Lyon. C’est là que des tueurs à la solde de Maxime le rejoignirent et l’égorgèrent. (25 août 383).

Le premier soin de Maxime fut de tenter de se faire reconnaître par son compatriote Théodose, qui gouvernait l’Orient romain. Il y parvint sans trop de peine. En effet, malgré tous les bienfaits dont l’avait comblé Gratien, l’empereur d’Orient était, à ce moment, bien trop occupé par sa guerre contre les Goths pour venger l’assassinat de son bienfaiteur.

Cette paix précaire assura à l’usurpateur la libre possession de la (Grande-)Bretagne, des Gaules et de l’Espagne. Valentinien II, le (demi-)frère cadet de Gratien, garda l’Italie et l’Afrique (du Nord). Il n’avait encore que douze ans et ce fut Justine, sa mère, qui gouverna son « Empire-croupion » à sa place.

Valentinien II et sa mère professaient et protégeaient l’hérésie d’Arius (qui restreignait – voire niait – la nature divine du Christ). Cette politique partisane leur valut l’hostilité déclarée des tenants de l’orthodoxie, en particulier du grand saint Ambroise de Milan. Le domaine du frère du Gratien semblait sur le point de sombrer dans une féroce guerre de religion. Quant à Maxime, qui rêvait de supplanter Valentinien II en Italie, il comptait bien s’engouffrer dans la brèche ouverte par le conflit arien. Rien de plus simple d’ailleurs : il lui suffirait de se monter le plus ferme soutien de la plus stricte orthodoxie pour rallier à sa cause tous les opposants religieux de son rival !

« L’affaire Priscillien » offrit à Maxime l’occasion rêvée de prouver urbi et orbi son zèle religieux.

Ce Priscillien, d’origine obscure mais résidant en Espagne dans la région de Saint-Jacques de Compostelle, prêchait une doctrine teintée de gnosticisme et de manichéisme… du moins si l’on en croit le peu de ce qu’ont bien voulu nous en dire ses adversaires. Mais finalement peu importe ! Quelles que fussent les horreurs que proférait l’hérésiarque Priscillien, le résultat fut toujours le même : sans que l’on sache trop qui commença, ses partisans et les tentants de l’orthodoxie finirent par en venir aux mains, des émeutes éclatant un peu partout en Espagne.

Maxime se souciait sans doute bien peu de la doctrine Priscillien. Lui, ce qui l’intéressait, c’était de rétablir le calme en Espagne et surtout de s’emparer de l’Italie de Valentinien II. Dans l’espoir de se gagner les faveurs des Chrétiens orthodoxes révoltés contre son rival et poussé à la répression par saint Martin de Tours, qui était, on le sait, plus un homme de demi-manteaux que de demi-mesures, il convoqua donc l’hérétique et sept de ses disciples devant son tribunal de Trèves. Après de longues tortures raffinées, les malheureux avouèrent tout ce que voulaient leurs bourreaux : impiété, sorcellerie, sodomie, crimes rituels. Bref, le lot habituel d’aveux des gibiers de l’Inquisition, la litanie classique que l’on retrouvera tout au long des siècles chrétiens.

Fort de ces « aveux spontanés », l’empereur Maxime, d’un cœur léger, condamna tout naturellement à la peine de mort Priscillien et ses séides, ces horribles hérétiques, ces vicieux sodomites, ces épouvantables sorciers, ces pervertisseurs de l’âme.

Le peu qui restait de ces pauvres bougres après les tortures fut brûlé à Trèves en 385. Pour la première fois, des Chrétiens assassinaient juridiquement d’autres Chrétiens sous le prétexte de déviance théologique.

Par souci d’équité, signalons toutefois que saint Ambroise de Milan et même saint Martin de Tours (pourtant à l’origine de la mise en accusation de Priscillien) s’élevèrent contre la sévérité du verdict. Mais l’avis de ces deux autorités morales fut une exception ; l’énorme majorité du clergé approuva la sentence et rivalisa d’ardeur dans la chasse aux priscillianistes. Un prélat, nommé Ithacius, se distingua par une cruauté telle qu’elle révolta même le pape Sirice qui, pourtant, n’était pas le dernier à inciter à la haine des hérétiques.

Pendant ce temps, en Italie, le conflit entre l’impératrice Justine et l’évêque Ambroise de Milan dégénérait au point de tourner presqu’à la guerre civile. L’impératrice-mère, arienne fanatique, et Ambroise, chrétien orthodoxe mais non moins exalté, ne pouvaient plus se voir en peinture. L’irritable ecclésiastique suscitait de violentes émeutes contre l’impératrice, cette Jézabel idolâtre, et contre son fils, ce Néron en herbe. De son côté, l’hérétique Justine rassemblait des troupes loyales pour investir la cathédrale et liquider l’opiniâtre ecclésiastique.

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Un édit de tolérance promulgué par Justine et qui mettait ariens et catholiques sur le même pied, sembla un temps désamorcer la crise.
Vains espoirs ! Du haut de sa chaire « de Vérité », Ambroise redoubla ses invectives et continua à inciter ses ouailles à la désobéissance civile, appelant de tous ses vœux quelque intervention céleste qui sauverait l’orthodoxie du péril mortel que constituaient le jeune empereur et son abominable hérétique de mère !

Bien entendu, le ciel resta sourd. Ce fut Maxime qui entendit la supplique de l’archevêque de Milan. Feignant la plus stricte orthodoxie et fort du soutien des partisans d’Ambroise, il envahit l’Italie (387).
Valentinien et sa mère ne purent résister à ce raz-de-marée. Ils s’enfuirent en Orient afin de demander justice et réparation à l’empereur Théodose, allié et débiteur de la famille Valentinienne

Théodose ne se montra insensible ni aux pleurs du jeune Valentinien II ni, dit-on, aux charmes de sa mère Justine. Posant comme seule condition l’abandon de leurs croyances hérétiques (car Théodose était bon catholique), il s’engagea à rétablir le jeune empereur sur son trône.

L’hiver 387 – 388 se passa en préparatifs militaires.
Au printemps, ayant rassemblé toutes les forces de l’Orient, tant romaines que barbares, Théodose attaqua l’usurpateur Maxime.
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L’empereur romain d’Orient s’était préparé à une campagne longue et éprouvante, mais deux mois seulement suffirent à abattre l’assassin de Gratien. Sur la Save (affluent du Danube), les cavaliers Alains, Huns et Goths de Théodose eurent raison des Germains et des Gaulois de Maxime.

L’usurpateur s’enfuit du champ de bataille, voulut se réfugier dans la place forte d’Aquilée, mais fut livré à l’empereur d’Orient qui le fit exécuter.(Août 388).

Après la mort de Maxime, son fils Victor (Flavius Victor) qu’il avait associé au trône, parvint encore à se maintenir quelque peu en Gaule. Ses généraux Nannius et Quintinus repoussèrent même une invasion de Francs qui s’étaient avancés au-delà de la Forêt Charbonnière (Ouest de la Belgique actuelle). Ils poussèrent même l’audace à faire une brève incursion sur la rive orientale du Rhin. Cependant ces succès n’adoucirent pas l’humeur massacrante (au propre comme au figuré) d’un Théodose bien décidé éradiquer la race criminelle de Maxime. L’empereur d’Orient envoya donc en Gaule le général franc Arbogast, accompagné de fort contingents romano-barbares. Victor ne put résister à cette invasion ; il fut vaincu et tué quelques mois seulement après son père (fin 388).