Valentinien Ier

364 – 375
Valentinien Ier

(Flavius Valentinianus)

Valentinien était le fils d’un comte (gouverneur) d’Afrique (du Nord) du nom de Gratien. Officier de la garde sous Julien l’Apostat et Jovien, Valentinien fut proclamé empereur par l’armée à la mort de ce dernier (26 février 364). Pensant que l’Empire était trop vaste et trop exposé aux invasions pour être gouverné par une seule personne, il s’associa à son frère Valens qu’il chargea de défendre l’Orient (28 mars 364). Plus tard, en 367, il nomma co-empereur son fils Gratien, âgé de neuf ans seulement.

Empereur militaire, Valentinien défendit les frontières de l’Empire d’Occident.

Avec l’aide du général Théodose, il repoussa les Pictes et les Scots (368) en Écosse tandis qu’en Afrique, les Maures étaient rejetés vers le Sahara (372-374). Dans les Balkans, il affronta les Quades et les Sarmates, les vainquit au prix de très dures campagnes, puis construisit un  » limes  » (ligne de fortifications) contre les invasions des Alamans.

Il mourut alors qu’il recevait la soumission des Quades, terrassé par une attaque (cardiaque ou cérébrale), causée par une violente colère (17 novembre 375).

Valentinien fut, paraît-il, un empereur particulièrement cruel. On prétend qu’il condamna à mort un esclave qui, à force de polir et de repolir son armure, l’avait rendue plus légère de quelques grammes. On prétend aussi qu’il gardait enchaînés, près de sa chambre, deux énormes ours bruns. De temps en temps, l’empereur leur donnait en pâture l’un ou l’autre criminel (l’on sait qu’il fallait bien peu de chose pour être condamné) et s’amusait à regarder ces bêtes fauves déchirer et dévorer leurs proies pantelantes.
Cependant, en créant la charge de  » défenseur de la Plèbe  » ce soudard ignare et sanguinaire tenta aussi de mettre un frein à la puissance des riches (364). On peut aussi créditer l’empereur Valentinien d’un souci permanent de respecter les croyances religieuses de tous ses sujets, quoiqu’il fût, personnellement, un Chrétien zélé.
Bref, si Valentinien était un cruel, coléreux et sanguinaire, c’était plus par ignorance et par bêtise que par mauvais fond !

Cela dit, il fallait tout bien l’aveuglement et toute la crédulité de cette grosse brute de Valentinien pour fermer les yeux sur les exactions continuelles et répétées commises par les Chrétiens un peu partout dans son Empire.

Par exemple, en 366, à cause des Chrétiens, la ville de Rome sombra presque dans la guerre civile :
À peine le pape Libère eut-il rendu le dernier soupir (octobre 366) que quelques diacres, prêtres et fidèles se réunirent un peu en catimini et désignèrent comme évêque de Rome un disciple du pape défunt nommé Ursin (« Ursinus »). Le nouveau pontife fut aussitôt consacré par l’évêque Paul de Tivoli. Tout allait pour le mieux ? Non, pas du tout ! Pendant que certains prêtres choisissaient leur Ursin un autre parti d’ecclésiastiques, réunis, plus nombreux, dans une autre église de Rome, procédait à l’élection de l’Espagnol Damase qui, lui, fut consacré par l’évêque d’Ostie. Et naturellement, les partisans des deux papes commencèrent aussitôt à s’affronter sauvagement dans les rues de la Ville.
Comme je l’ai dit, les Damasiens étaient plus nombreux. Soutenus par la racaille chrétienne des cimetières et du cirque, ils donnèrent l’assaut à la basilique où s’étaient réfugiés les Ursiniens.

Le Préfet de la Ville Prætextatus, païen bon teint, ne s’intéressait pas exagérément à la validité canonique des deux élections pontificales. Lui, il ne voulait qu’une chose c’est que ces trublions de Chrétiens cessent de faire les zouaves afin que le calme règne à nouveau à Rome. Il donna donc raison à la faction la plus nombreuse et bannit Ursin de sa ville, Damase demeurant le seul maître après Dieu de l’Église romaine. Cependant, il restait encore une poche de résistance ursinienne : les schismatiques (puisqu’il faut désormais les appeler ainsi) s’étaient retranchés dans l’église Sainte-Marie-Majeure.
Qu’à cela ne tienne ! La milice privée de Damase passa à l’attaque et délogea les Ursiniens à coups de glaive, exterminant tout ce qui faisait mine de résister. Quand les troupes du Préfet réussirent à séparer les belligérants, cent trente-sept Chrétiens (sont-ce des martyrs ?) baptisaient de leur sang les dalles du saint lieu.

S’il faut en croire l’unique témoin impartial contemporain, en l’occurrence l’historien païen Ammien Marcellin, la seule cause de ces débordements sanglants était la cupidité des deux prélats. « Je me ferai Chrétien sur le champ si vous me faites évêque de Rome », aurait lancé, en manière de boutade le préfet de la Ville Prætextatus au pape Damase.
Et de fait, le pape Damase, « Serviteur des serviteurs de Dieu », avait coutume (déjà) de se pavaner de par les rues de Rome, couronne d’or en tête et vêtu de la pourpre des triomphateurs, dans sa « papamobile » de l’époque, un somptueux char d’apparat. Quant à sa table, elle surpassait, paraît-il, celle de l’Empereur lui-même.

D’où venait l’argent nécessaire à une telle munificence ?
Des héritages.
Un peu partout dans l’Empire, mais plus particulièrement à Rome, la plupart des membres du clergé, s’étaient spécialisés dans le détournement des héritages et accaparaient les fortunes de dames riches et désœuvrées. La mode voulait que toutes les riches matrones disposassent d’un « directeur de conscience » qu’elles introduisaient aussi bien dans leur home que dans leur lit. Une fois la dame conquise, ces prêtres rapaces avaient vite fait, à la manière du Tartuffe de Molière ou des gourous contemporains, de détourner à leur profit la majeure partie de la fortune desdites dames. Ensuite, ils se faisaient désigner comme légataire universel au détriment des héritiers légaux de leur victime.

Cet abus était devenu si criant et si scandaleux que l’empereur Valentinien fut contraint de prendre une mesure radicale. Un édit, adressé personnellement au pape Damase, interdit formellement à tout moine ou ecclésiastique de fréquenter les demeures des vierges et des veuves et de recevoir quelque don que ce fût.
Un peu plus tard, l’empereur aggrava encore cette mesure en interdisant à toute personne attachée à l’état ecclésiastique de recevoir, hors succession légitime, quelque don testamentaire que ce fut.

Saint Jérôme et saint Ambroise en personne, estimèrent que les édits de Valentinien étaient justes et nécessaires, même si ces Pères de l’Église déploraient que « les Chrétiens se voient privés d’un privilège que conservaient cependant encore les putains, les comédiens et les prêtres idolâtres » (sic).

Pour et finir avec ce sujet, et rien que pour le fun, un commentaire émerveillé de ce bon vieux catho de Daniel-Rops, relatif aux apports bénéfiques du christianisme à l’époque de Valentinien :
« Ainsi les plus anciennes vertus, les vertus cardinales de discernement, de justice, de tempérance, de force, qui avaient été exaltées par la pensée antique mais qui avaient perdu toute efficacité, se trouvent ranimées par le christianisme qui leur assigne une autre fin : elles sont vivifiées par l’amour de Dieu et du prochain. Le discernement, ou, si l’on préfère, l’antique sagesse, devient la lumière de la foi, dans laquelle l’homme peut comprendre et apprécier toutes choses. La justice n’a plus pour but l’obtention des droits personnels mais le respect de ceux d’autrui. La tempérance s’associe à la douceur de la charité. La vertu de force renonce à être agressive pour devenir surtout le moyen de supporter la souffrance. En outre, des vertus que l’Antiquité ignorait sont proclamées essentielles, par exemple l’humilité ; la recherche de la gloire, chère au cœur des païens, entraînait au mépris des petits, des miséreux, des esclaves ; l’humilité chrétienne brise cette barrière entre les classes ». (Daniel-Rops, L’Église des Apôtres et des Martyrs, vol. 2, Chap. 6)

« Humilité », « douceur de la charité » « amour de Dieu et du prochain… Tu parles !