364 – 378
Valens
(Flavius Valens)
Le 28 mars 364, l’empereur Valentinien Ier associa son frère Valens à l’Empire. Il lui confia le gouvernement de l’Orient.
Après une restauration de l’unité, éphémère et accidentelle, sous le sceptre de Théodose, les deux parties allaient désormais évoluer de façon distincte. Privé des richesses de l’Orient et épuisé par des querelles intestines, l’Occident romain n’opposera guère de résistance au déferlement des tribus barbares. Il déclinera très vite et disparaîtra définitivement en 476. En revanche, l’Empire d’Orient, grec et centralisé, résistera mieux au choc des invasions. Devenu « byzantin », il survivra, vaille que vaille, jusqu’en 1204 (ou 1453, si l’on veut).
Valens dut d’abord faire face à l’usurpateur Procope, un cousin (?) de Julien l’Apostat. Après la mort de son parent et après s’être soumis à l’empereur Jovien, Procope s’était retiré dans ses terres de Cappadoce.
Valens et Valentinien, qui se méfiaient de lui, tentèrent d’éliminer ce prétendant potentiel au trône, mais Procope échappa aux sbires des deux empereurs et se terra quelque temps sur rives de la Mer Noire.
En 365, il revint incognito à Constantinople. Là, des légionnaires gaulois, vétérans de Julien l’Apostat, embrassèrent sa cause et le proclamèrent empereur. À ce moment, Valens que sa cruauté et sa rapacité avaient rendu impopulaire, se trouvait du côté de la Mésopotamie, occupé à repousser une énième incursion de l’ennemi héréditaire perse. L’usurpateur put donc, sans coup férir, s’emparer de la capitale de l’empire d’Orient et rallier à sa cause aussi bien les légions stationnées dans les Balkans que ses anciens hôtes, les Goths de la Mer Noire.
Pour Valens, ça commençait à sentir sérieusement le roussi ! Un moment, il songea même à abdiquer, mais ses ministres lui firent honte de sa faiblesse.
Son moral un peu requinqué, Valens commença par faire un geste en faveur des mécontents : il rétablit dans ses fonctions Salluste, un ancien ministre de Julien, très populaire et très compétent, mais qu’il avait destitué dès son accession au pouvoir. Le retour aux affaires de cet honnête homme, de ce collaborateur et ami de Julien l’Apostat, suffit à rallier à la cause de Valens tous les hésitants ainsi que tous ceux qui n’avaient embrassé la cause de Procope que par nostalgie du dernier grand empereur romain. Procope vit ses troupes fondre comme neige au soleil.
Vaincu dans deux combats, Procope s’enfuit encore. Mais cette fois, il ne put échapper au bourreau : trahi par ses anciens partisans et livré à Valens, il fut exécuté séance tenante (28 mai 366).
De 367 à 369, l’empereur d’Orient (ou plutôt ses généraux Athanaric et Victor) mena, non sans succès, une guerre défensive contre les Goths qui menaçaient la frontière du Danube.
Ensuite, Valens résida pendant cinq ans à Antioche, histoire de surveiller (de loin) l’éternel ennemi perse qui, en vertu du traité honteux signé par l’empereur Jovien, était en train de faire main basse sur l’Arménie.
procope
En 376, retournement de situation : les Goths implorèrent la protection de l’empereur. Menacés par les Huns, des barbares encore plus sauvages et plus agressifs qu’eux, ils sollicitaient l’autorisation de s’installer de l’autre côté du Danube, protégé par le fleuve et par les puissantes armées romaines.
Valens leur accorda (bien imprudemment) cet « asile politique » : il les autorisa à planter leurs tentes en territoire romain à condition de remettre leurs armes aux autorités impériales et de livrer leurs enfants comme otages.
Les Goths, en pagaille, s’installèrent donc sur la rive romaine du Danube. Mais s’ils livrèrent leurs enfants sans trop de réticence (ils pouvaient en faire d’autres), ils rechignèrent à se défaire de leurs armes, qui étaient, elles, irremplaçables. Les fonctionnaires romains, tous plus corrompus les uns que les autres, fermèrent bénignement les yeux sur cette violation de la plus importante des clauses du traité. Une négligence coupable qui n’allait pas tarder à se payer cash !
Les Goths, littéralement rackettés par les Romains, réduits à la famine, à l’esclavage, à la prostitution, mais qui étaient restés fiers et belliqueux, ne furent pas long à en avoir, ras-le-bol, marre, plus qu’assez de la prétendue « hospitalité » romaine. Sortant leurs précieuses armes de leurs cachettes, ils assaillirent alors les garnisons du Danube, leur infligèrent de cuisantes défaites, puis s’enfoncèrent plus profondément en territoire romain. En 377, ils mettaient le siège devant la ville d’Andrinople (auj. Edirne, en Turquie d’Europe), à quelques encablures de Constantinople.
Valens, bien qu’il ne fût ni un foudre de guerre ni le courage personnifié, ne pouvait ignorer la menace qui planait sur sa capitale. Il prit donc les armes, espérant bien vaincre sans péril (mais non sans gloire !).
Et de fait, au début, les opérations militaires se déroulèrent au mieux. L’invasion des Barbares fut contenue, à défaut d’être repoussé. Mais quand, l’année suivante (378), Valens voulut en finir une fois pour toutes avec ces indomptables Goths, il tomba sur un os.
Dans la plaine d’Andrinople, les cavaliers romains prirent la fuite devant les charges furieuses et désespérées de l’ennemi. L’infanterie, livrée à elle-même fut massacrée. L’empereur touché par une flèche, trouva un moment refuge dans une cabane misérable, mais les Barbares, furieux de la résistance la garde personnelle de Valens, incendièrent le bâtiment. L’empereur trouva la mort dans le brasier (9 août 378).
Empereur timoré, soupçonneux et volontiers cruel, Valens persécuta les païens. Il fallait briser les reins (et les rêves) tous les nostalgiques de Julien l’Apostat !
D’abord partisan de la tolérance à l’égard des différentes sectes chrétiennes, le faible Valens, endoctriné et fanatisé par des prêtres ariens devint aussi, à la fin de son règne, un ardent partisan de l’hérésie d’Arius.
Comme les témoignages contemporains émanent tous d’opposants à sa politique religieuse et, de ce fait, manquent singulièrement d’objectivité, on ne sait trop s’il alla jusqu’à persécuter les Chrétiens « orthodoxes ». Cependant il est certain qu’il favorisa outrageusement ses amis ariens et que sa politique partisane provoqua des émeutes sanglantes dans certaines contrées « idéologiquement sensibles » de son Empire, particulièrement en Égypte.