280 – 281
Proculus
Mis à part les élucubrations de l’auteur anonyme de l’Histoire Auguste (début du Ve siècle), nous ne connaissons quasiment rien de ce Proculus.
Injustement traité par Aurélien, craignant la colère de Probus, ce général se serait révolté vers 280, soit du côté de Lyon, soit sur le Rhin. Il aurait cherché à conclure une alliance avec les Francs, mais, finalement, il se serait rallié à l’empereur légitime dès que celui-ci, revenant d’Orient à marches forcées avec toute son armée, fit irruption en Gaule.
Face à ce monceau d’incertitudes, M. Maurice Bouvier-Ajam (in Les Empereurs gaulois, Éditions Tallandier, 1984) nous propose deux Proculi pour le prix d’un. En effet, il émet l’hypothèse de deux usurpateurs s’appelant Proculus, et d’ailleurs vaguement apparentés, qui seraient entrés en dissidence en Gaule à l’époque de Probus.
Le premier, Titus Illius Proculus, né dans des Balkans, était un excellent officier, quoiqu’un peu naïf. Ce Proculus-là avait été contraint de rester en Phénicie pendant que Probus, fraîchement émoulu empereur, revenait en Occident pour mettre les Germains au pas. Il en avait été fort désappointé : « C’est trop injuste ! s’exclamait-il à tout venant. Pendant que je me morfonds ici, Probus va récolter tous les lauriers et il n’en restera plus pour moi. Devrai-je éternellement me contenter des miettes de sa gloire ? ».
Un jour que, passablement éméché, il reprenait son antienne, ses compagnons, par jeu, l’élirent empereur. À leur grande surprise, Proculus prit la chose très au sérieux. Mieux ! il parvint même à convaincre ses camarades de la validité de cette élection, si bien qu’ils lui promirent de l’accompagner sur le Rhin avec leurs soldats.
Proculus arma une flottille, traversa la Méditerranée de part en part, débarqua en Provence, rallia à sa cause une troupe éparse et parvint à repousser jusqu’au Rhin les Germains qui ravageaient la Gaule.
L’offensive de Proculus avait plutôt soulagé un empereur Probus fort occupé à combattre sur d’autres fronts. Mais son indulgence n’allait pas jusqu’à tolérer une sécession de la Gaule. Il envoya donc un émissaire à l’usurpateur pour lui demander de se soumettre ou de se démettre. Proculus refusa hautainement. Alors, Probus monta une action de commando contre Proculus. L’usurpateur fut enlevé, ficelé comme un saucisson, traîné devant l’empereur légitime et exécuté séance tenante.
Fin de Proculus Ier.
Toujours selon M. Bouvier-Ajam, un deuxième Proculus, parent du précédent, prit sa succession. Ce Proculus II était né en Ligurie, une région où, à cette époque, le brigandage était élevé au rang d’une industrie traditionnelle. C’était donc, lui aussi, un aventurier quelque peu bandit sur les bords.
bouvier-ajam
Quand il apprit l’odyssée de Proculus Ier, Proculus II se trouvait à Lyon. Aussitôt il rameuta autour de lui toute une faune aussi hétéroclite que douteuse, mais qui lui était dévouée corps et âme et qui l’acclama comme « Empereur associé de son fraternel et impérial parent ».
Après l’exécution de Proculus Ier, notre Proculus II se proclama, tout naturellement, « seul Empereur des Gaules ». Il renforça ses effectifs, reçut la soumission de villes de la région de Lyon, les soldats des garnisons environnantes rallièrent sa cause, puis ce furent les légions d’Espagne et de Grande-Bretagne qui reconnurent son autorité.
Avec de tels appuis, cette comédie risquait tourner à l’aigre pour l’empereur Probus, mais Proculus II commit une erreur fatale : il sortit de la ville avec de trop faibles troupes. Les légionnaires de Probus n’eurent aucun mal à encercler la petite armée de l’usurpateur. Proculus fut exécuté aussitôt que capturé.
Fin de Proculus II.
Voilà donc, grosso modo, la version présentée M. Bouvier-Ajam. Ajoutons seulement qu’il a l’honnêteté de préciser que cette « tentative d’explication de cette affaire mobilise beaucoup d’hypothèses ».
Dont acte.
Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr et certain, c’est que les hypothèses de M. Bouvier-Ajam valent cent fois mieux que les certitudes ébouriffantes du facétieux auteur de l’Histoire Auguste. Ce dernier, dans la brève notice qu’il consacre à Proculus (Voir site Nimispauci) nous déclare, avec le plus grand sérieux, que cet usurpateur (qui, chez lui, est unique, dans tous les sens du terme) aurait réalisé un exploit digne de l’Hercule païen, ou du Samson biblique. Dans une lettre, l’usurpateur gaulois (dans tous les sens de l’adjectif – bis) se serait en effet vanté, d’avoir capturé cent vierges sarmates, d’en avoir dépucelé dix en une nuit, et d’avoir rendu femmes toutes les autres en l’espace de quinze jours… « dans la mesure de mes moyens » (précise-t-il modestement). (Histoire Auguste, Quadrige des Tyrans, XII, 7).
Un chaud lapin que ce Proculus !