Magnence

350 – 353 Magnence (Flavius Magnus Magnentius)

350 Vetranio & Népotien

Assassin de son frère Constantin qu’il avait détrôné, Constant, fils cadet de Constantin le Grand restait, depuis 340, le seul maître de l’Empire d’Occident. Et ce n’était pas un cadeau que ce Constant ! Un incapable et un débauché !

Magnence, était un « lète », c’est-à-dire un barbare né sur la rive occidentale du Rhin. Sa mère était, semble-t-il une franque et son père était un Breton (Britannique). Malgré (ou à cause) de ces origines barbares, il avait fait une jolie carrière militaire était devenu, vers 350, le commandant en chef de plusieurs légions gauloises.

Ce soldat, aussi rude que retors, comprit combien il serait aisé de tirer parti du mécontentement général. Il se concilia les bonnes grâces de Marcellinus, le trésorier de Constant et celui-ci lui permit de puiser à pleines mains dans les caisses impériales.

Grâce à tout cet or, libéralement octroyé aux légionnaires gaulois, et à une propagande efficace (parce que justifiée) dénonçant l’inconsistance de Constant, Magnence parvint à ses fins : lors d’un grand banquet organisé à Autun, il fut « spontanément » acclamé comme empereur et coiffé du diadème impérial.

L’inconstant Constant, qui chassait dans les environs de la ville, n’eut que le temps de prendre la fuite vers l’Espagne. Les soldats de Magnence le rattrapèrent aux pieds des Pyrénées et l’abattirent sans pitié. (350)

Tant était grande la lassitude des populations envers l’administration désastreuse des fils de Constantin que le pouvoir de Magnence fut reconnu presque partout dans l’Occident romain.
Seul Népotien, un neveu de Constant, tenta de résister au coup de force. Il prit le pouvoir à Rome et s’y fit proclamer empereur, lui aussi.
Il ne put cependant garder sa couronne bien longtemps : après vingt-huit jours de « règne » seulement, il fut tué par des soldats ralliés à Magnence et ses partisans furent massacrés. Un véritable bain de sang !

Les légions du Danube refusèrent elles aussi de prendre le parti de l’assassin de Constant. Elles préférèrent proclamer empereur leur propre commandant en chef, le général Vetranio.

Restaient donc en présence deux usurpateurs, Magnence et Vetranio. Ils estimèrent qu’il était préférable de ne pas se tirer mutuellement dans les pattes ! Mieux valait unir leurs forces pour affronter Constance, l’empereur d’Orient, frère de Constant et désormais seul fils de Constantin encore en vie.

nepotianus

Cependant, avant d’engager les hostilités, Magnence et Vetranio tentèrent d’abord de se faire reconnaître par l’empereur d’Orient. Une ambassade fut envoyée à Constantinople qui somma l’empereur de choisir entre la paix et la guerre.
Constance qui, à ce moment, était fort occupé à repousser une énième invasion de l’ennemi héréditaire perse, feignit d’hésiter. Il fallait gagner du temps !

Heureusement pour lui, Constance parvint à se dépatouiller rapidement du guêpier perse en déléguant ses pouvoirs dans la partie orientale de l’Empire à son neveu Gallus (frère de Julien l’Apostat). Il l’éleva au rang de César, lui fit épouser sa sœur Constancia (une mégère, une calamité ambulante !) et le chargea de repousser l’invasion étrangère.

Maintenant qu’il avait les mains libres du côté de l’Euphrate, l’empereur d’Orient pouvait enfin s’occuper sérieusement des affaires occidentales. il fit emprisonner les ambassadeurs de Magnence et de Vetranio puis déclara la guerre aux deux usurpateurs.

Constance II, piètre homme de guerre et souverain fort lymphatique, ne déployait guère son ingéniosité que quand il s’agissait d’affronter des usurpateurs ou autres comploteurs (ou présumés tels).
Son premier souci fut de rompre le front uni de ses deux adversaires, de séparer Vetranio de Magnence.

vetranio

Il y parvint sans trop de difficultés. Ne voulant, prétendit-il, affronter un vieux serviteur de l’État comme l’était Vetranio, Constance lui proposa un partage de l’Empire. Mais, pour régler les modalités de cette alliance, il fallait que les deux hommes discutent face à face des détails de l’affaire.
La rencontre fut programmée à Naissus (Nish, en, Serbie). Vetranio s’y rendit avec toutes ses troupes. Constance, lui n’était accompagné que d’une faible escorte, mais il avait pris soin de soudoyer grassement les soldats de l’usurpateur. Ceux-ci avaient donc, en secret, rallié son parti. Aussi, quand les deux rivaux apparurent sur le front des troupes, il n’y eut pas photo ! Les légionnaires, à l’unanimité, acclamèrent Constance, fils du grand Constantin, comme seul et unique empereur, vouant aux gémonies, à l’exécration universelle et à tous les diables de l’enfer tous ses rivaux, Vetranio compris.

Le pauvre Vetranio, abandonné de tous ses partisans, fut contraint de déposer son diadème aux pieds de Constance, tout heureux que celui-ci lui laisse la vie sauve (25 décembre 350). Une fois n’est pas coutume, l’empereur Constance fit preuve de clémence : doté d’une confortable rente, Vetranio fut exilé, ou plutôt mis à la retraite, à Prusa (aujourd’hui Bursa, en Turquie). Il y mourut paisiblement six ans plus tard.

Pour Constance, le plus difficile restait encore à faire. Il lui fallait maintenant se débarrasser de Magnence et, pour cela, affronter son armée, redoutable car composée de soldats aguerris… et incorruptibles.

Durant les premiers mois de l’année 351, les opérations militaires tournèrent, nettement, à l’avantage de Magnence. Il obligea l’empereur à s’enfermer dans une place forte des Balkans tandis qu’il ravageait tout le pays alentour. Constance, aussi démoralisé que ses soldats, voulut alors traiter avec l’ennemi. Cette fois, ce fut Magnence qui, fort de son avantage, refusa tout compromis.
Et la guerre se poursuivit.

La bataille décisive eut lieu à Mursa, sur la Drave (28 septembre 351). Contre toute attente, les soldats de Constance, plus disciplinés et plus lourdement armés que les auxiliaires barbares de son adversaire, remportèrent la victoire.

Magnence, vaincu, réussit quand même à sauver sa peau. Il échappa de justesse aux cavaliers de Constance et se réfugia à Aquilée, de l’autre côte des Alpes, bien décidé à poursuivre la lutte. I
Il ne put cependant se maintenir longtemps en Italie car, pendant que l’indolent Constance passait l’hiver 351-352 au chaud, sans plus se préoccuper de son adversaire, Magnence était chassé de la Péninsule par les anciens partisans de Népotien et les vétérans de Constantin le Grand.

Retranché en Gaule et après avoir erré de ville de ville, Magnence trouva enfin refuge à Lyon, où il établit son quartier général. Mais les troupes et les pécunes commençaient à manquer ! Les provinces, qui s’étaient félicitées du putsch de Magnence, commençaient à lui faire faux-bond, écœurées par sa rapacité. Trèves, la métropole du Nord s’était révoltée et avait expulsé Decentius, le propre frère de Magnence, que celui-ci avait élevé à la dignité de co-empereur.

Enfin, au cours de l’année 353, l’armée de Constance parvint à franchir les Alpes et infligea (à Monsaléon – Mons Seleuti) une sévère et ultime défaite aux dernières troupes fidèles à l’usurpateur.

Magnence, aux abois, ne nourrissait aucune illusion quant à la clémence de son vainqueur. Il se jeta donc sur son épée obtenant ainsi « une mort plus douce et plus honorable que celle qu’il pouvait attendre des mains d’un ennemi, maître de colorer sa vengeance du prétexte spécieux de la justice et de la piété fraternelle » (Gibbon, Histoire du Déclin et de la Chute de l’Empire romain, vol. 1, Chap. XVIII).

Quand il apprit la mort de son frère, le co-empereur Decentius mit également fin à ses jours