Les militants pour le climat brandissaient une banderole sur laquelle on pouvait lire « Les banques salissent notre avenir ». Bloquons-les » devant le siège de la banque française Société Générale en 2019. Les manifestations sont l'un des risques auxquels les banques sont confrontées dans leur réponse au changement climatique – Copyright AFP Philip FONG
Benoît PÉLEGRIN
Le changement climatique présente des risques pour les banques à plusieurs niveaux : il peut avoir un impact direct sur leurs finances, ternir leur image et les amener devant les tribunaux.
Les organisations non gouvernementales critiquent régulièrement les banques pour la rapidité avec laquelle elles prennent en compte le changement climatique.
La dernière en date était Reclaim Finance, qui, aux côtés de plusieurs autres ONG, s'en est prise aux banques européennes quelques jours seulement avant la COP 29, sommet des Nations Unies sur le climat qui débute le 11 novembre à Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan.
– Risque financier –
En continuant à financer des projets liés aux énergies fossiles, même dans le cadre d’une transition vers une économie verte, les banques continuent de lier leur sort à celui de l’industrie.
Dans un rapport d'octobre 2022, Finance Watch a calculé que les 60 plus grandes banques du monde détenaient dans leurs livres environ 1,35 billion de dollars d'actifs liés aux combustibles fossiles.
Il n'y a pas eu de changement majeur depuis, selon le chef économiste de l'ONG, Thierry Philipponnat.
Le problème est qu' »il n'y a aucun scénario dans lequel dans 50 ans les combustibles fossiles auront une quelconque valeur », a-t-il déclaré à l'AFP.
Les nations ont convenu lors du sommet sur le climat COP28 à Dubaï l’année dernière d’abandonner les combustibles fossiles.
Et l’Agence internationale de l’énergie s’attend à ce que la demande de pétrole, de gaz et de charbon culmine d’ici 2030.
Laurence Scialom, professeur d’économie à l’Université Paris-Nanterre, a prévenu que « du jour au lendemain, des classes d’actifs entières vont se détériorer ».
Les banques qui détiennent des actions et des obligations de sociétés de combustibles fossiles dans leurs portefeuilles verront la valeur de celles-ci diminuer, tandis que les sociétés de combustibles fossiles pourraient devenir des risques de crédit à mesure que la rentabilité du secteur est réduite, a-t-elle averti.
L’industrie des combustibles fossiles représente une « bombe à retardement financière » pour les banques et celles-ci sous-estiment encore le danger, a déclaré Scialom.
Les prêts immobiliers sont également menacés.
Le cabinet de conseil américain Bain & Company a averti l'année dernière que les incendies de forêt, la sécheresse et d'autres risques climatiques menaçaient entre 10 et 15 pour cent de la valeur des portefeuilles immobiliers détenus par les 50 plus grandes banques mondiales.
– Risque de réputation –
Les recherches menées par des ONG comme Finance Watch et Reclaim Finance évaluant les prêts bancaires à la lumière du changement climatique sont régulièrement utilisées par les médias et ont commencé à ternir leur image publique.
D'autres groupes ont opté pour des actions plus directes, comme perturber les assemblées d'actionnaires ou manifester devant les bâtiments du siège pour attirer l'attention sur le comportement des prêteurs.
Ces campagnes de « dénonciation et de honte » peuvent constituer une arme puissante pour les groupes de pression, dans la mesure où les banques dépendent fortement de la confiance des clients.
– Risques juridiques –
Des ONG ont déjà attaqué en justice des entreprises de combustibles fossiles, le succès le plus remarquable à ce jour étant la victoire en 2021 de la section néerlandaise des Amis de la Terre contre Shell.
Les juges du tribunal de district de La Haye ont statué il y a trois ans que Shell devait réduire ses émissions de carbone de 45 % d’ici 2030, car elle contribuait aux effets « désastreux » du changement climatique.
Cette décision a été considérée comme une victoire historique pour les militants du changement climatique, car c'était la première fois qu'une entreprise était obligée d'aligner sa politique sur les accords de Paris sur le changement climatique de 2015. Shell fait appel de cette décision.
Les militants se tournent désormais vers les banques.
La section néerlandaise des Amis de la Terre a lancé en janvier de cette année une plainte contre la plus grande banque néerlandaise, ING, pour financement d'entreprises très polluantes.
Puis, en février, les Amis de la Terre, Oxfam France et une autre ONG ont porté plainte contre BNP Paribas, l'accusant de contribuer au changement climatique via son financement d'entreprises de combustibles fossiles.
Valérie Demeure, qui dirige la recherche sur les questions ESG chez Ofi Invest Asset Management, a déclaré que ces cas sont « certainement le début d'une série ».
La loi française offre aux militants écologistes un moyen de contester les entreprises.
Depuis 2017, les grandes entreprises françaises sont tenues de prendre des mesures efficaces tout au long de leurs chaînes d'approvisionnement pour respecter les droits humains et minimiser les dommages environnementaux.