363 – 364
Jovien
(Flavius Claudius Jovianus)
À la mort de l’empereur Julien l’Apostat (26 juin 363) l’armée romaine, aventurée en plein cœur de l’Empire perse, se trouvait dans une situation paradoxale.
Certes, elle était victorieuse, mais également dépourvue de chef et divisée en plusieurs factions : les vieux soldats gaulois de Julien s’opposaient aux auxiliaires orientaux, les Romains s’opposaient aux Grecs, les cavaliers aux fantassins, les Chrétiens aux païens… Et chacun de ces clans revendiquait pour lui tout le mérite de la victoire, chacun d’eux voulait la plus grande part du butin, et enfin, naturellement, chaque leader de ces factions exigeait que la succession de l’empereur défunt lui revienne.
Or, Julien n’avait pas désigné de successeur…
Bien sûr, avant d’entrer en campagne contre les Perses, l’empereur défunt avait offert un manteau de pourpre à un certain Procope, l’engageant à revêtir ce symbole de la dignité impériale s’il lui arrivait malheur. Mais ce Procope ne jouissait plus d’aucun crédit auprès de soldats de Julien depuis que de lourds soupçons de trahison pesaient sur lui. En effet Julien lui avait ordonné de prendre les Perses à revers pour leur interdire toute retraite, mais Procope et son corps d’armée restèrent en Arménie, l’arme au pied, privant l’empereur de toute son aile gauche et contraignant de ce fait les légions impériales à une exténuante course-poursuite en plein territoire ennemi.
Procope était hors course, et les soldats risquaient d’en venir aux mains face à un ennemi toujours menaçant. L’armée perse, vaincue, mais non anéantie, se reconstituait dangereusement. Il fallait donc se hâter de désigner un empereur ! Finalement, devant l’imminence du danger et l’anarchie grandissante, les chefs de l’armée finirent par tomber d’accord : faute de mieux, ce serait à Jovien, un Chrétien qui commandait la Garde impériale que reviendrait l’honneur d’assumer la lourde succession de Julien.
Toutefois, l’élection de ce Jovien ne résolvait pas le problème fondamental de l’armée romaine : comment la sortir du guêpier où elle s’était fourrée.
Les avis des soldats divergeaient.
Les uns, majoritairement païens, pensaient qu’il fallait exploiter la dernière victoire de Julien, anéantir l’ennemi démoralisé et ne traiter avec les Perses qu’en position de force. Mais les autres légionnaires, Chrétiens pour la plupart, estimaient quant à eux que toute cette expédition n’avait été, du début à la fin, qu’une pure folie, une aberration mégalomaniaque de plus de ce démon idolâtre qu’était ce satané et satanique Julien, cet Apostat que le Diable emporte ! Cette aventure insensée, commencée dans la confusion, exécutée dans l’improvisation, se terminerait, si on n’y mettait immédiatement et inconditionnellement le holà, par une catastrophe à la Valérien ! Ce qu’ils voulaient, c’était rentrer chez eux, tout de suite et à n’importe quel prix !
procope
L’empereur chrétien Jovien se rallia à l’avis de ses coreligionnaires. Il entama des négociations avec le roi Sapor II qui, bien que vaincu, se montra intraitable. L’armée romaine pourrait regagner ses bases de départ, mais l’Empire devait abandonner aux Perses toutes ses provinces mésopotamiennes, avec l’Arménie comme rabiot, et, de surcroît, livrer quinze places fortes frontalières. Ce qui restait de l’Orient romain serait désormais ouvert, sans défense, à n’importe quel raid ennemi. Dorénavant les cavaliers perses se retrouveraient sous les murs d’Antioche avant que les légions romaines n’aient de temps de dire « ouf » » !
Jovien accepta pourtant ce désastreux traité (10 juillet 363) et l’armée romaine rentra chez elle sans être inquiétée par l’ennemi.
Jovien ne régna que huit mois. Juste le temps pour lui de recueillir la soumission du traître Procope, d’annuler les mesures anti-chrétiennes de Julien et de promulguer un nouvel édit de tolérance universelle.
Cette tolérance, qu’ils avaient catégoriquement refusée des mains de Julien l’Apostat, les Chrétiens l’acceptèrent avec gratitude et soulagement de leur « frère en Christ » Jovien. Il est vrai qu’en trois ans, la situation avait considérablement évolué : le court règne de Julien avec tous les sabotages qui l’avaient ponctué et, pour finir, l’assassinat de l’empereur « apostat » avaient amplement démontré qu’il était désormais impossible de gouverner contre (ou même simplement sans) le parti chrétien.
Jovien mourut subitement alors qu’il rentrait à Constantinople. (17 février 364)
On attribue communément sa mort à un excès de vin, à une indigestion de champignons ou encore à une intoxication au monoxyde de carbone. Il semble cependant qu’il ne faille pas retenir la thèse de l’empoisonnement.