gratien

Gratien

367 – 383
Gratien
(Flavius Gratianus)

Né le 18 avril 359, Gratien (Flavius Gratianus), fils de Valentinien Ier, fut formé par le poète Ausone et associé à l’Empire par son père alors qu’il était âgé de huit ans seulement.

Le 17 novembre 375, Valentinien Ier, qui s’était « quelque peu énervé » en recevant la soumission des Quades du Nord du Danube, tomba mort, victime d’une embolie cérébrale. Gratien n’avait pas accompagné son père et résidait à Trèves.
Profitant de son absence, les chefs militaires romains préférèrent couronner Valentinien II, le plus jeune fils de l’empereur défunt, un bambin de quatre ans qui ne pourrait jamais constituer un obstacle à leurs ambitions.

Gratien n’était pas en position de force. Il accepta donc le choix de l’armée. Il voulait, dit-il, considérer Valentinien II comme son frère (c’était en fait son demi-frère), non comme un rival. Lui, Gratien, gouvernerait et protégerait les Gaules, la Bretagne et l’Espagne, tandis que son frère et collègue résiderait en Italie, une province moins exposée.

En 378, Gratien tenta de porter secours à son oncle Valens, l’empereur d’Orient, qui était menacé par la rébellion des Goths, mais il fut retardé. Informés des projets militaires de l’empereur romain, les Alamans avaient en effet franchi le Rhin, histoire de profiter de l’absence de Gratien pour ravager les provinces gauloises.
Très mauvais calcul : l’empereur romain était encore dans les parages ! Gratien écrasa les envahisseurs germaniques aux environs de Colmar, mais cette campagne militaire lui fit perdre un temps précieux. Quand il put enfin se diriger vers l’Orient pour aider son tonton, il était trop tard : l’armée romaine d’Orient avait déjà été anéantie à Andrinople et Valens avait trouvé la mort dans la bataille (9 août 378).

La partie orientale de l’Empire, sans chef, presque sans défense, était à la merci des Goths victorieux. Signe des temps, Gratien n’envisagea pas une seconde de réunifier l’Empire sous son autorité. Depuis Julien l’Apostat, personne ne se sentait plus capable d’assumer une charge aussi surhumaine. Il confia donc le trône d’Orient à Théodose, un soldat espagnol dont le père, général de l’armée de Valentinien Ier, s’étai illustré en (Grande-)Bretagne mais qui, par la suite, avait trahi et avait été exécuté.

Après s’être déchargé du fardeau oriental, Gratien revint en Gaule.
Malgré la victoire de Colmar, toutes les provinces occidentales de l’Empire romain restaient menacées par les incursions, de plus en plus fréquentes et de plus en dangereuses, de peuplades germaniques que les Huns, invincibles et terrifiants, en envahissant leurs territoires d’Europe centrale, poussaient devant eux, en un vaste raz-de-marée humain.

Hélas ! le glorieux vainqueur de Colmar déçut bien vite les espoirs de ses sujets. Alors que ceux-ci tremblaient devant la menace barbare ou devant les agents d’un fisc impérial de plus en plus gourmand, Gratien s’amusait inlassablement à son passe-temps favori : la chasse. Enfin, quand je parle de chasse, ce n’est pas tout à fait exact.
N’allez pas croire que l’indolent souverain, monté sur un fougueux pur-sang, parcourait bois et champs, javelot à la main, à la recherche du gibier ! En fait les animaux étaient rassemblés dans de vaste enclos, tandis que l’empereur, juché sur une tribune, hors de portée des coups de griffes ou de crocs, s’amusait à décocher des flèches mortelles aux pauvres bêtes prises au piège et en faisait une véritable hécatombe.

Ce ne furent pourtant pas d’éventuels activistes d’un genre de Front de Libération des Animaux de l’époque qui provoquèrent la chute de Gratien.
Un peu partout dans l’Empire, les soldats, en majorité d’origine germanique, se mirent à murmurer contre cet empereur qui négligeait de les récompenser de leurs peines pour accorder toutes ses faveurs à des archers asiatiques dont il appréciait tellement l’habileté à l’occasion ses « parties de chasse » et dont il avait fait ses gardes du corps.

Quel affront pour ces légionnaires germaniques ! Leurs demeures avaient été incendiées, leurs femmes violées et leurs enfants massacrés par les Huns, et maintenant, leur empereur bien-aimé confiait sa sécurité personnelle à ces ennemis abhorrés ! Comble de provocation : leur Gratien, le plus noble des Romains, aimait à se montrer en public revêtu du costume traditionnel des bourreaux de leurs peuples, veste rembourrée et botte de feutre souple !

Comme souvent, ce furent les légions de (Grande-)Bretagne qui prirent l’initiative de la révolte. Elles acclamèrent comme empereur leur commandant en chef Maxime (Magnus Maximus). L’usurpateur arma une flotte et envahit la Gaule où toutes les forces de Gratien se rallièrent aussitôt à lui avec enthousiasme.

L’empereur, pris de panique, s’enfuit précipitamment de Paris. Accompagné seulement de quelques cavaliers asiatiques qui lui étaient restés fidèles, Toutes les villes lui fermèrent leurs portes à l’exception de Lyon, dont le gouverneur l’accueillit. Mais c’était un piége destiné à lui faire perdre du temps. Les tueurs lancés aux trousses de Gratien furent, eux aussi, accueillis à bras ouvert dans la ville et ils égorgèrent l’empereur, comme un mouton. (25 août 383).

Au point de vue religieux, Gratien publia un édit punissant de mort toute personne qui violait, négligeait ou ignorait la doctrine chrétienne. Gageons que cette loi ne fut exécutée qu’avec une extrême indolence, car sans cela, les états de Gratien se seraient bien vite métamorphosés en une vaste fosse commune.

Quoi qu’il en soit la tolérance chère à l’empereur Julien (et même à ce rustaud de Valentinien Ier) était bien révolue. Sous l’influence d’Ambroise, évêque de Milan, et de Théodose, Gratien, malgré la protestation du sénateur Symmaque, fit enlever du Sénat de Rome la statue de la Victoire.

Comme on l’a vu, cela ne lui porta pas chance !