467 – 472
Anthémius
(Procopius Anthemius)
En avril 467, l’empereur byzantin Léon Ier désigna Anthémius comme empereur d’Occident. Cette nomination était la conséquence d’un traité d’alliance conclu avec le patrice Ricimer, ce général d’origine Suève qui présidait aux destinées de l’Empire romain d’Occident (réduit à la seule Italie) depuis plus de quinze ans.
Ce Grec était un descendant de l’usurpateur Procope et le gendre de l’empereur d’Orient Marcien, destitué par ce même le Léon Ier…
Comme on le voit, en envoyant Anthémius à Rome, il faisait d’une pierre deux coup, le Léon ! La cour impériale d’Occident était un véritable nid de vipères où l’espérance de vie des souverains était extrêmement limitée. Léon se débarrassait donc à bon compte d’un concurrent potentiel. Et si, contre toute attente, Anthémius réussissait à survivre aux intrigues de ce Ricimer qui avait déjà sur les mains le sang de quatre empereurs, et s’il parvenait à briser la puissance de l’empire maritime des Vandales, ce qui constituait la finalité de l’accord entre les deux empires romains, Léon pourrait s’attribuer tout le mérite de la victoire.
En arrivant en Occident, Anthémius fut assez habile pour sceller son alliance avec Ricimer en lui octroyant la main de sa fille. Les noces furent célébrées à Rome dans l’allégresse générale.
Ensuite, on se prépara à attaquer les Vandales d’Afrique.
Les affaires s’annonçaient plutôt bien : contre toute attente, l’usurpateur Marcellinus s’était rallié à Anthémius. Or, ce Marcellinus qui s’était taillé un royaume quasi indépendant en Dalmatie (Croatie actuelle), disposait d’une flotte redoutable, capable à elle seule de rivaliser avec les galères du roi vandale Genséric.
L’armée byzantine attaqua Carthage par voie de terre tandis que les forces navales coalisées d’Anthémius et de Marcellinus bloquaient la capitale vandale du côté de la mer. Désespéré, le roi des Vandales demanda une trêve de quelques jours. Contre toute logique militaire, ce court cessez-le-feu fut accepté par ses adversaires. Naturellement, Genséric profita de ce délai inespéré pour rassembler ses troupes, puis il contre-attaqua vigoureusement, anéantit la flotte ennemie et contraignit l’armée de terre byzantine à une retraite précipitée. (468).
L’alliance de toutes les forces romanes, tant d’Occident que d’Orient, réalisée à grand-peine afin d’annihiler le dangereux Empire maritime vandale, n’avait abouti qu’au plus lamentable des fiascos.
Les années suivantes virent l’Empire romain, dirigé par un Anthémius retranché en Italie, perdre ses dernières possessions en Gaule et en Espagne. Les Wisigoths du roi Euric s’emparèrent de toutes les provinces au Sud de Loire tandis que les Gallo-romains du préfet Ægidius tentaient, tant bien que mal, de protéger le Nord des empiétements de plus en plus pressantes des Francs de Childéric.
Mais même en Italie, le pouvoir d’Anthémius était contesté. Ricimer n’avait pas longtemps supporté d’être relégué au second rang. Il abandonna Rome à l’empereur et se retira, menaçant, à Milan.
Pour éviter une guerre civile désastreuse, saint Épiphane, évêque de Pavie, tenta de réconcilier les adversaires, le beau-père et le gendre désormais à couteaux tirés, l’empereur et son sujet révolté. Épiphane réussit presque… L’accord était quasi conclu quand Ricimer, qui n’avait feint de négocier que pour gagner un temps précieux et réunir toutes ses forces, fonça sur Rome à tête d’une imposante armée composée, en majeure partie, de Burgondes et de Suèves. Dans ses bagages, il amenait aussi le sénateur Olybrius, destiné à remplacer l’empereur Anthémius à la tête d’un Empire décidément bien malade.
Une fois de plus, Rome fut assiégée, prise, et saccagée. Quant au pauvre Anthémius, il fut massacré sur son trône (11 juillet 472).
Laissons le dernier mot à ce brave Gibbon, toujours si moralisateur : « Le patrice (Ricimer) fit immoler inhumainement son beau-père, et ajouta par sa mort un troisième ou peut-être un quatrième empereur au nombre de ses victimes. Les soldats, qui réunissaient les fureurs des citoyens factieux à la férocité des nations barbares, se rassasièrent impunément de meurtres et de pillage. La foule d’esclaves et de plébéiens qui ne prenaient point d’intérêt à l’événement ne pouvaient que gagner au désordre ; le tumulte de Rome présentait l’étrange contraste d’une cruauté réfléchie et d’une licence effrénée » (Histoire du Déclin et de la Chute de l’Empire romain, vol. 1, chap. XXXVI).