Valentinien III

425 – 455
Valentinien III
(Flavius Placidus Valentinianus)

Fils de Constance III et de Galla Placidia. À l’âge de six ans, il fut placé sur le trône d’Occident par l’empereur d’Orient Théodose II. Valentinien III laissa gouverner l’Empire par sa mère et par le patrice Aetius.

C’est sous son règne désastreux que l’Empire d’Occident se morcela définitivement.

En Afrique (du Nord), le comte Boniface, qui gouvernait cette turbulente province au nom de l’empereur Valentinien III, était menacé de révocation suite aux intrigues de son rival, le patrice Aetius. Craignant pour sa vie, il se rebella contre son maître et appela en renfort les féroces Vandales qui, à ce moment, ravageaient l’Espagne.

Quand ces barbares débarquèrent et que se joignirent à eux les Maures, depuis des siècles en état de révolte larvée contre Rome, ainsi que les donatistes, hérétiques chrétiens persécutés, le comte Boniface comprit enfin l’énorme boulette qu’il avait commise. Car Genséric, roi des Vandales, chef cruel mais intelligent et ambitieux, ne songeait à rien moins que d’édifier, sur les ruines de la riche province romaine d’Afrique, un véritable empire naval méditerranéen.

Boniface eut beau tenter de résister, rien n’y fit. Les villes tombèrent les unes après les autres : Hippone en 431 (le grand saint Augustin y mourut pendant le siège) et Carthage en 439.

Pendant ce temps, au Nord des Alpes, le pouvoir impérial n’était plus qu’un leurre. Certes Aetius maintenait encore une certaine présence romaine dans ces provinces naguère florissantes, mais était-ce encore une « armée romaine » que l’armée « romaine » d’Aetius, composée de contingents plus barbares les uns que les autres ? Et puis, à vrai dire, qu’y avait-il encore à gouverner ? Dépeuplées, les rares villes restées debout après les raids successifs des Barbares, s’étaient enfermées dans d’étroits remparts construits à la sauvette avec les débris des monuments prestigieux. Ces bourgades, jadis métropoles florissantes, ne constituaient plus guère que des îlots de civilisation décadente au milieu d’un pays dévasté.

Les Vandales, les Suèves, les Quades, et bien d’autres peuples prédateurs, plus ravageurs, plus dévastateurs qu’une nuée de sauterelles affamées, s’étaient abattus sur la Gaule et l’Espagne ; les Barbares avaient traversé ces pays de part en part, puis, repus de butin et ne laissant que cendres et ruines fumantes, ils s’étaient jetés sur la riche province d’Afrique. Les Francs et les Wisigoths, eux, étaient restés en Europe occidentale et s’étaient progressivement taillés des royaumes indépendants, imposant leur joug aux Romains vaincus.

Plus au Nord, la Grande-Bretagne était la proie des Angles et des Saxons. Les Bretons, chassés de leurs îles, se réfugiaient en masse en Armorique, qu’on allait appeler Bretagne.

Bref c’était le grand bordel.

Et, pour couronner le tout, voilà qu’apparaissait à l’horizon du Rhin ceux par qui, en définitive, tous les malheurs de Rome étaient arrivés : les Huns d’Attila.

Après avoir menacé tout un temps la Chine, ce peuple nomade, sévèrement étrillé par les « Fils du Ciel », s’était tourné vers l’Occident. Dans sa progression, les Huns avaient poussé devant eux toute une kyrielle de peuples qui, terrorisés par la sauvagerie hunnique, avaient successivement ravagé, en les traversant dans leur fuite éperdue, les plus riches contrées de l’Empire romain.

Enfin arrivé aux lisières des régions civilisées d’Europe, Attila s’était constitué une solide base d’opérations en Hongrie, et, à partir de là, avait d’abord menacé l’Empire d’Orient. Mort de frousse, l’empereur romain d’Orient Théodose II avait acheté sa retraite par un énorme et déshonorant tribut.

Rassasié de ce côté, Attila s’était alors tourné vers l’Occident. Oh, bien sûr, il ne restait plus grand-chose à piller dans ces pays déjà ravagés par tant de peuples rapaces ! Mais il semble bien qu’Attila avait un œuf à peler avec le patrice Aetius, son ancien allié qui s’était montré assez pingre dans la rétribution de ses services. Il s’agissait donc plus d’un raid de représailles, ou d’un racket, que d’une véritable tentative de conquête.

Traversant le Rhin, Attila adjoignit à son armée les bandes franques du frère de Mérovée (grand-père de Clovis) puis se précipita sur la Gaule. Aetius, puissamment aidé par les Wisigoths et les Francs de Mérovée parvint de justesse à repousser le Roi des Huns lors de la célèbre bataille des Champs Catalauniques, près de Châlons-sur-Marne (451).

Cette bataille célèbre fut longtemps considérée comme une des « grandes batailles du passé », un peu dans le genre de celle de Poitiers, en 732. Un des affrontements manichéen où la civilisation occidentale, blanche et chrétienne, en un dernier sursaut, en un dernier réflexe de survie, triomphait des « barbares », bronzés ou jaunâtres, qui menaçaient son existence même ! Mais aujourd’hui, on est bien revenu de tout cela ! Les perspectives historiques ont été corrigées, et les jugements de valeur expurgés ! À l’instar de la victoire de Charles Martel, le triomphe d’Aetius et de ses alliés a été réduit à ses justes proportions, celles d’un demi-succès contre un simple « rezzou ». Pas plus qu’Abd Al Rahman, Attila n’avait, semble-t-il, l’intention de « conquérir » la Gaule. Son expédition n’était sans doute qu’un raid de pillage, une quête de butin. On peut même se demander si, en définitive, sa chevauchée gauloise n’était pas seulement une ruse de guerre : pendant que les troupes d’Aetius, les seules forces impériales redoutables, étaient encore occupées à fêter leur prétendue victoire, les guerriers nomades, extrêmement mobiles, pouvaient impunément se précipiter sur l’Italie, riche et presque inviolée.

C’est donc avec une armée presque intacte qu’Attila, habile tacticien, traversa les Alpes.
Ici encore, il ne semble pas que le roi des Huns ait conçu le dessein de conquérir le pays. Il s’agissait seulement de rééditer le coup réussi avec l’empire d’Orient : faire cracher un énorme tribut à l’empereur terrorisé. Et s’il était possible d’arrondir ce pécule par le pillage de quelque riche cité, c’était encore mieux ! Bergame, Padoue, Milan, Turin, Vicence et Pavie brûlèrent ou livrèrent leurs richesses au conquérant asiatique.

Attila ravagea la Toscane et s’approcha de Rome. La ville, déjà saccagée par Alaric, tremblait à nouveau…

L’incapable empereur Valentinien III, enfermé dans son inexpugnable capitale de Ravenne, se désintéressa de la situation. Il ne restait plus aux Romains qu’à négocier. Une ambassade de notables de la Ville se rendit chez Attila, qui campait sur les rives du Mincio. Faute de pouvoir le vaincre par les armes, elle voulait le convaincre de se détourner de Rome en lui offrant une immense rançon.

Contre toute attente, l’ambassade romaine, dirigée par le consul Avienus et le pape Léon, réussit au-delà des plus folles espérances. Attila accepta l’énorme « contribution de guerre » des Romains, libéra les otages qu’il avait pris et quitta l’Italie.

En fait, Attila avait atteint son but : après l’empire d’Orient, c’était celui d’Occident qui avait dû « casquer ». Le roi hun pouvait donc se retirer tranquillement en Hongrie et vivre de ses rentes. Il ne profita d’ailleurs guère de ses trésors car il mourut deux ans après son aventure romaine. (454).

La propagande chrétienne, quant à elle, occulta soigneusement le payement honteux de l’énorme rançon. Pour les Chrétiens, ce fut uniquement les pouvoirs surnaturels de saint Léon qui convainquirent Attila de lâcher, subitement et sans conditions, la proie italienne qu’il s’apprêtait à dévorer à belles dents.
En effet, prétendent-ils, les soldats d’Attila lui reprochèrent de les avoir privé de la joie de piller la Capitale du Monde : « C’est bien la peine de s’appeler le Fléau de Dieu ! lui dirent-ils en substance. Tu nous fais traverser toute l’Asie, la Gaule puis la moitié de l’Italie, tu nous fais miroiter les richesses mirobolantes de Rome et puis, il suffit que le curé du patelin vienne te sermonner pour que tu t’enfuies la queue entre les jambes ! Fléau de Douilles de mes deux Kieux, va ! ». Et Attila de répondre : « Taisez-vous, hommes de peu de Foi, et apprenez ceci : quand Léon a commencé de parler, j’ai vu apparaître à ses côtés un ange de trois mètres de haut qui brandissait une épée flamboyante et qui m’a dit d’une voix tonnante : « Tu as intérêt à faire tout ce que dit Léon, sinon je ne donne pas cher de ta vie, de tes biens et de ceux de tes proches ! » Alors, comprenez que c’est aussi vous que j’ai protégé en obéissant à Note Saint Père le Pape ! ».

Quoi qu’il en soit, miracle ou pas, il ne se reproduisit pas quand, quelques années plus tard, en 455, un autre chef barbare, le Vandale Genséric, mit littéralement à sac l’ancienne capitale de l’Empire qui ne fut plus désormais qu’une grosse bourgade, plus riche de ruines que d’habitants.

Entre-temps, ce dégénéré d’empereur Valentinien III avait fait assassiner Aetius pour quelque obscure raison. Ce faisant, il se privait de son meilleur général et du dernier défenseur de l’Empire. Ensuite, il ne trouva rien de mieux que de violer la femme d’un des personnages les plus importants de l’Empire, le sénateur Pétrone Maxime. Celui-ci, ivre de vengeance, réunit autour de sa personne tous les mécontents (ils étaient nombreux) qui massacrèrent l’empereur pendant qu’il assistait à des courses de char. (Mars 455).