Procope

365 – 366
Procope
(Procopius)

Au printemps 363 l’empereur Julien (l’Apostat) entra en guerre contre les Perses du roi Sapor II.
Contrairement à ce que prétendirent plus tard certains historiens chrétiens, l’empereur ne mena pas ces opérations militaires à l’aveuglette, sans plan préconçu. En excellent stratège qu’il était, Julien avait, au contraire, prévu une savante tactique d’encerclement qui devait, inéluctablement, aboutir à l’anéantissement des forces ennemies. Du moins le pensait-il…

Son armée serait divisée en deux. L’aile droite, forte de 45.000 hommes, dotée de navires de guerre et d’engins de siège, serait placée sous commandement de l’empereur lui-même. Elle longerait la rive droite de l’Euphrate et s’emparerait des places fortes qui jalonnaient le fleuve jusqu’à Ctésiphon, la capitale ennemie. Quant à l’aile gauche de l’armée romaine, constituée d’environ 35.000 hommes, elle ferait jonction avec l’armée du roi Arsace d’Arménie, franchirait le Tigre et ravagerait les contrées situées à l’Est de ce fleuve, privant ainsi l’ennemi de ses approvisionnements et lui coupant toute retraite. Les deux corps de bataille se rejoindraient devant Ctésiphon. Là le Tigre et l’Euphrate ne formaient qu’une mince bande de terre, une véritable nasse, et l’armée perse, prise au piège, serait inexorablement anéantie.
procope – procopius

Julien confia le commandement de l’aile gauche romaine, celle dont dépendait la victoire, à Procope, un sien cousin (?) qui devait avoir une bonne connaissance des affaires orientales puisque, en 358, l’empereur Constance II l’avait envoyé en ambassade auprès du roi de Perse.

Mais Procope ne remplit pas la mission que Julien lui avait confiée. Lui et son armée restèrent planqués en Arménie, l’arme au pied. De lourds soupçons de trahison pèsent sur lui. En effet, le bruit courut qu’avant d’entrer en campagne, Julien aurait remis à Procope un manteau de pourpre, symbole de la dignité impériale, lui conseillant de le revêtir s’il lui arrivait malheur à la guerre. Ce qui revenait à dire que Julien aurait fait de lui son héritier légitime. Dévoré d’ambition, Procope aurait alors décidé d’abandonner Julien et ses légions à leur sort… d’autant plus que son allié, le roi d’Arménie Arsace, un Chrétien qui répugnait à collaborer avec un empereur apostat, l’incitait également à rester inactif.

L’empereur, privé de toute son aile gauche qui devait compléter l’encerclement des Perses, fut donc contraint à une exténuante course-poursuite en plein territoire ennemi. Julien trouva la mort en combattant, sans doute assassiné par un de ses propres soldats, un Chrétien. (26 juin 363)

Naturellement, les soldats de Julien, victorieux mais encerclés par les débris de l’armée perse et perdus au plein territoire ennemi, gardèrent une mauvaise dent à ce Procope qu’ils jugeaient, non sans raison, responsable de la situation critique où ils se trouvaient. Ils ne tinrent donc compte ni de ses droits dynastiques ni de l’hypothétique manteau de pourpre de Julien et choisirent Jovien comme empereur. À défaut d’être brillant, lui au moins était sur place et partageait leurs peines. De plus, tout chrétien qu’il fût, il était resté fidèle à l’empereur défunt. (Fin juin 363).

Procope fut bien contraint de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Rangeant dans un placard et le manteau impérial de Julien et ses ambitions, il se soumit à Jovien puis s’en alla bouder dans son vaste domaine de Cappadoce (Est de la Turquie actuelle).

Le successeur de Julien ne survécut que huit mois à l’humiliant traité qu’il avait signé afin d’obtenir des Perses, pourtant vaincus, le libre passage de l’armée romaine jusqu’aux frontières de l’Empire. Au mois de février 364, Jovien fut remplacé par Valentinien, un autre militaire, qui s’empressa de s’associer à son frère Valens et de lui confier la défense de l’Orient.

Valens était un souverain souvent cruel et toujours soupçonneux. Il se méfiait particulièrement de Procope, de ce « bel homme, grand et triste, à la taille toujours courbée, qui marchait le regard toujours fixé à terre, et que jamais l’on avait vu rire » (Ammien Marcellin). L’empereur d’Orient décida de ne pas faire dans la dentelle : des tueurs à sa solde tentèrent d’éliminer physiquement ce concurrent potentiel, mais Procope échappa aux sbires de l’empereur. Il se terra quelque temps sur rives de la Mer Noire, craignant chaque jour d’être reconnu par les Barbares qui l’hébergeaient et livré à ses bourreaux.

En 365, ne pouvant plus supporter ce stress permanent, Procope revint incognito à Constantinople. Là, des légionnaires gaulois, vétérans de Julien l’Apostat, embrassèrent sa cause et le proclamèrent empereur.

La conjoncture était on ne peut plus favorable. À cette époque, Valens, que sa cruauté et sa rapacité avaient rendu particulièrement impopulaire, se trouvait du côté de la Mésopotamie, occupé à repousser une énième incursion de l’ennemi héréditaire perse. L’usurpateur put donc, sans coup férir, s’emparer de la capitale de l’empire d’Orient, épouser Faustine, la veuve de l’empereur Constance, et rallier à sa cause aussi bien les légions stationnées dans les Balkans que ses anciens hôtes, les Goths de la Mer Noire.

Pour Valens, ça commençait à sentir sérieusement le roussi ! avant qu’il ait eu le temps de dire « ouf », Procope s’était rendu maître de vastes territoires et disposait d’une force militaire non négligeable. Un moment, l’empereur songea même à abdiquer, mais ses ministres lui firent honte de sa faiblesse.

Son moral un peu requinqué, Valens commença par faire un geste en faveur des mécontents : il rétablit dans ses fonctions Salluste, un ancien ministre de Julien, très populaire et très compétent, mais qu’il avait destitué dès son accession au pouvoir.
Le retour de cet honnête homme, collaborateur et ami de Julien l’Apostat, suffit à rallier à la cause de Valens tous les hésitants ainsi que tous ceux qui n’avaient embrassé la cause de Procope que par nostalgie du dernier grand empereur romain.
Procope vit alors ses forces fondre comme neige au soleil.
valens

Les quelques troupes dont il disposait encore furent écrasées dans deux combats désespérés. Procope prit encore la tangente, mais cette fois, il ne put échapper à ses poursuivants. Certains de ses anciens partisans le trahirent et le livrèrent à Valens qui le fit immédiatement décapiter (28 mai 366).