Postumus

260 (?) – 269 (?)
Postumus
(Marcus Cassianus Latinius Postumus)

Postumus, né autour des années 220, était-il un Gaulois romanisé, un Gallo-romain, ou un riche propriétaire romain qui habitait la Gaule ? Les plus chauvins de nos amis français pencheront pour la première hypothèse, et les autres diront qu’ils n’en savent rien.

Postumus, que l’on nomme aussi Postume (une francisation fort peu heureuse) s’illustra lors des guerres contre les Germains. Il tira même si bien son épingle du jeu que Valérien lui confia la garde de son fils Gallien quand celui-ci fut nommé empereur pour la partie occidentale de l’Empire (253).

Cette promotion était flatteuse, mais elle était plus honorifique qu’autre chose car Gallien, qui était déjà, depuis longtemps un adulte responsable et un stratège compétent, n’avait nul besoin de chaperon. Ce que Postumus aurait désiré obtenir, c’était le commandement en chef de toutes les légions des Gaules.

L’occasion de réaliser ce rêve n’allait pas tarder à se présenter. Gallien fut contraint d’abandonner les Gaules pour lutter contre l’usurpateur Ingenuus , puis il s’en alla repousser les Alamans qui avaient pénétré en Italie du Nord (258). Aussitôt les Francs, qui s’agitaient sur les frontières rhénanes depuis déjà un bon bout de temps, profitèrent de l’affaiblissement des défenses romaines pour recommencer leurs incursions dévastatrices. Le moment était venu pour Postumus de solliciter ce poste de commandant suprême des forces romaines de Gaule qui lui tenait tant à cœur.

salonin

Gallien, qui redoutait l’ambition de Postumus, ne voulut rien entendre.À la place du compétent Postumus, il confia le gouvernement de la Gaule et de la frontière du Rhin à son fils Salonin, un gamin qu’il avait promu au rang de César. Pour Postumus, c’était pire qu’un désaveu, c’était une humiliation, une dégradation dissimulée.

La moutarde lui monta encore davantage au nez quand il apprit qui avait été chargé de l’éducation militaire du jeune César. Son mouflet, Gallien ne l’avait confié pas à un général compétent et expérimenté, comme lui Postumus ou comme son vieux camarade Aurélien (le futur empereur), mais bien à l’obscur Sylvanus, le médiocrissime commandant de la place forte de Cologne ! Rien que de penser que ce couard qui ne s’était jamais colleté aux Barbares, ce bon à rien, ce mauvais à tout, avait aisément reçu ce que lui Postumus sollicitait en vain depuis des lustres, à savoir le commandement suprême de l’armée des Gaules, cela suffisait à lui donner des crampes d’estomac, audit Postume… et de furieuses envies de tirer son glaive du fourreau !

Pourtant, encore une fois, Postumus ravala sa déception.

Les choses s’envenimèrent sérieusement quand il fallut déterminer une stratégie pour repousser ces fameux Francs qui, non contents de traverser le Rhin, s’étaient répandus partout, jusqu’aux Pyrénées.

Le nullissime et pusillanime Sylvanus prônait l’attentisme : On allait tout bonnement s’adosser douillettement à Mer du Nord et constituer un « réduit romain » dans les provinces belges. Et puis, dans quelques semaines, dans quelques mois, dans quelques années, les Francs, lassés du pillage, finiraient bien par rentrer chez eux, alourdis de butin et de prisonniers. C’est le moment que les légions choisiraient pour jaillir de leur repaire, les attaquer, les défaire et s’emparer de leurs richesses.
L’énergique Postumus, lui, préconisait une politique plus agressive : on poursuivrait les Francs où qu’ils se trouvent et on leur ferait repasser le Rhin l’épée dans les reins !

De chamaillerie en dispute, les relations entre les deux chefs s’envenimèrent… Enfin, un contentieux idiot relatif au partage du butin à venir mit le feu aux poudres. Les soldats de Postumus pénétrèrent dans Cologne et massacrèrent Sylvanus ainsi que le jeune César Salonin.

Complice ou non, Postumus était dans de sales draps. Compromis dans l’assassinat du fils de l’empereur, il savait qu’il n’avait guère de mansuétude à attendre de Gallien, un souverain qui n’était pas précisément réputé pour sa douceur, sa pitié et sa clémence. Contraint à une fuite en avant, le général gaulois se résigna donc à accepter de revêtir la pourpre impériale que lui proposaient ses légionnaires, eux-mêmes épouvantés par les conséquences de leur acte (260 ?).

Il semble cependant que Postumus essaya de justifier sa conduite auprès de Gallien. Il tenta probablement de lui faire comprendre l’absolue nécessité de répartir le commandement des armées de l’Empire : toutes les frontières étant menacées en même temps, un seul imperator, qui ne pouvait être partout à la fois, ne pouvait évidemment suffire à la tâche. Si Gallien acceptait cette évidence, Postumus, de son côté, se contenterait des Gaules et jamais ne remettrait en cause la primauté de l’empereur de Rome…
Gallien refusa toute concession à ce Postumus en qui il ne voulait voir qu’un vulgaire usurpateur, meurtrier de son fils chéri. Pire ! il lança contre lui deux féroces offensives (261-262 et 263-264).

Et pourtant, en qualité d’empereur des Gaules, Postumus ne tira pas trop mal son épingle du jeu. Malgré l’hostilité déclarée de l’empereur Gallien, il parvint à purger les provinces gauloises des bandes franques qui l’infestaient. Au prix de dures batailles (à Arles par exemple) les Barbares furent rejetés au-delà du Rhin et son autorité fut reconnue de l’Espagne à la Grande-Bretagne. C’est donc amplement que Postumus mérita le titre de « Restitutor Galliarum » (« Libérateur des Gaules) qu’il fit orgueilleusement graver sur ses monnaies.

Les circonstances qui entourent la fin de Postumus sont assez peu claires.

Vers 269, alors que l’empereur des Gaules allait célébrer le dixième anniversaire de son accession au trône, Laelianus (Lélien), commandant de la place de Mayence leva contre lui l’étendard de la révolte et se fit, à son tour reconnaître comme empereur par quelques villes de Germanie. « Les Gaulois sont toujours par nature avides de changements politiques » commente peu flatteusement le rédacteur anonyme de l’Histoire Auguste pour expliquer cette rébellion. En fait, on ne connaît rien des mobiles de Laelianus et de ses complices…

Énergique comme à l’accoutumée, Postumus fonça sur Mayence, défit les troupes fidèles à Laelianus, tua l’usurpateur et pénétra en vainqueur dans la cité rhénane. Une victoire trompeuse : les propres soldats de Postumus grognaient. Ils n’avaient, jusque-là, trouvé aucun profit à cette guerre fratricide, aussi exigèrent-ils, que, pour les récompenser de leurs peines, la ville de Mayence, capitale du général félon, fût mise à sac. Postumus s’y refusa catégoriquement : Alors que les Barbares pouvaient réapparaître à tout instant, ce n’était vraiment pas le moment d’affaiblir la défense du Rhin en démantelant gratuitement, sur un coup de tête, l’une des plus importantes forteresses de la région !

C’était le bon sens même… Mais les soldats, trop obtus ou trop cupides, ne l’entendirent pas de cette oreille. Retournant leurs glaives contre leur propre chef, ils le massacrèrent sans la moindre hésitation (été 269).

Le rédacteur anonyme de l’Histoire Auguste (début du Ve siècle) prétend que Postumus eut un fils appelé lui aussi Postumus.

Ce Postumus Junior, associé au pouvoir par son père en qualité de « César », tué avec lui après la révolte de Laelianus, aurait été un orateur si fin que ses déclamations valaient, paraît-il, celles du célèbre Quintilien. On croit rêver !

En réalité, personne ne sait rien de l’éventuel fiston de l’empereur gaulois, Certes, il est possible que l’empereur des Gaules eut un fils, et si c’est le cas, peut-être lui confia-t-il certaines responsabilités… Mais de là à faire de l’hypothétique rejeton de Postumus le Démosthène des Gaules, il a un pas que tout historien sérieux se refusera à effectuer !