Emilien

253
Emilien
(Marcus Æmilius Æmilianus)

Originaire de la province de Maurétanie (Algérie actuelle) où il naquit au début du IIIe siècle, Marcus Æmilius Æmilianus prit le commandement de l’armée du Danube quand, en 252, Trebonianus Gallus, empereur tout frais émoulu, s’en retourna à Rome pour recevoir l’investiture du Sénat et se faire acclamer par la bonne plèbe romaine.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les soldats laissés aux bons soins d’Émilien avaient le moral à plat !
L’année précédente (juin 251), l’empereur Dèce, accompagné de quelques-unes des plus valeureuses légions romaines, s’était fait tailler en pièces dans un marécage de Mésie (Bulgarie) par une bande de Goths pouilleux.
Pour succéder au pauvre Dèce, mort au champ d’honneur, le Sénat de Rome avait désigné Trebonianus Gallus. À première vue, les soldats trouvèrent ce choix judicieux : ce Gallus, général expérimenté, restaurerait sans doute le prestige militaire romain et vengerait leurs camarades tombés au combat.

Il leur fallut bien vite déchanter… Échaudé par la défaite cuisante de son prédécesseur, Trebonianus Gallus s’empressa d’acheter une paix honteuse. Les Goths ne consentirent à se retirer au-delà du Danube qu’après le versement d’un tribut pharamineux.
Une humiliation aussi coûteuse qu’inutile : dès que la somme fut encaissée et que l’empereur eut tourné le dos, les perfides Barbares, encouragés par l’apparente faiblesse des Romains, renièrent leur parole et reprirent leurs incursions avec une fureur accrue. Avant que l’armée romaine ne pût intervenir, les Balkans étaient dévastés, la Grèce pillée ainsi que, de l’autre côté du Bosphore, les riches cités d’Asie mineure (Éphèse et Pessinonte, par exemple).

Et comme pour compléter ce tableau calamiteux, la peste, endémique depuis près d’un siècle, frappait avec une virulence accrue, décimant les populations des provinces et des villes autant que les effectifs des légions démoralisées.

Vent de la défaite, honneur patriotique bafoué, gloire militaire déchue, espoirs déçus, empereur indolent voire lâche, atmosphère apocalyptique… Le moral des soldats des légions du Danube était donc loin d’être au beau fixe !

Il revint à Émilien de requinquer le « fighting spirit » des troupes et de rétablir l’honneur de la patrie. Le nouveau général prit hardiment l’offensive, franchit le Danube et attaqua les Goths sur leur propre territoire. Les Barbares furent mis en déroute.

Un général victorieux, c’était toujours un danger pour l’unité de l’Empire. C’est d’ailleurs pour cette raison que les empereurs romains tenaient à diriger en personne les opérations militaires.
Même si la victoire d’Émilien avait été plus symbolique qu’autre chose, ses soldats avaient eu tout le loisir de faire des comparaisons peu flatteuses entre l’indolence de Trebonianus Gallus, l’empereur régnant, et l’énergie de leur commandant en chef. Et ce qui devait arriver arriva… Les légionnaires de l’armée du Danube, à nouveau contents d’eux-mêmes, orgueilleux et peu soucieux de la légalité, acclamèrent Émilien et le le proclamèrent empereur.

Une nouvelle guerre civile commençait. Elle fut de courte durée.

À la tête de ses troupes, l’énergique Émilien fonça sur l’Italie, s’enfonça dans la Péninsule comme dans du beurre et, devant la ville de Spolète, se trouva face à l’armée de son rival.

Il n’y eut pas de bataille. Les soldats de l’empereur Trebonianus Gallus, au lieu de combattre l’usurpateur, s’emparèrent de leur propre chef et le mirent à mort ainsi que son fils Volusien qu’il avait associé au trône.
Le prestige d’Émilien, et surtout les récompenses que le « Vainqueur des Goths » avait promises aux légionnaires de Gallus s’ils ralliaient sa cause leur avaient ôté toute envie de combattre pour l’empereur légitime.

Pour Émilien, l’affaire semblait dans le sac. Comme l’armée et le peuple de Rome lui étaient favorables, les serviles Sénateurs brûlèrent ce qu’ils avaient adoré, condamnèrent la mémoire du faible Trebonianus Gallus et ratifièrent l’élévation au trône d’Émilien. Des médailles, qui représentaient le « Vainqueur des Goths » sous les traits du dieu Mars vengeur et d’Hercule victorieux, furent frappées en son honneur. Bref, tout paraissait réglé, Émilien était et serait bien le seul maître de l’Empire !

Pourtant, le vieux sénateur Valérien, lui, ne partageait pas l’euphorie générale.
Admirateur inconditionnel de l’empereur Dèce, il s’était rallié à son successeur légitime Trebonianus Gallus. Or, celui-ci, afin de combattre son rival Émilien, l’avait chargé de lui ramener les légions de Gaule et de Germanie.

C’est ainsi qu’ayant traversé les Alpes à toute vitesse, l’armée de Valérien pénétra en Italie pour aider Gallus. Trop tard !… Les renforts de Valérien n’arrivèrent qu’après que Gallus fut mort et enterré. Émilien avait eu même eu le temps d’asseoir son pouvoir.

Mais le fidèle Valérien n’avait pas encore dit son dernier mot.
Encouragé dans son dessein par ses troupes avides de récompenses et excédées d’avoir fait tout ce chemin pour rien, il se résolut à venger son ancien chef. Nommé empereur par ses soldats gaulois et germains, il se présenta, lui aussi, devant la ville de Spolète où les soldats d’Émilien campaient toujours.

En l’occurrence, la versatilité des légionnaires fut aussi manifeste qu’insatiable était leur cupidité ! Il suffit à l’impressionnante armée de Valérien de paraître pour que les soldats d’Émilien ne trouvent plus aucune qualité au chef que pourtant, ils avaient eux-mêmes porté sur le trône. Ils se jetèrent sur Émilien et le massacrèrent sans autre forme de procès.

La chronologie de cette époque est très controversée, mais la majorité des historiens estiment qu’Émilien ne régna que quelques mois, entre avril et août 253.