pupien

Pupien

238
Pupien (alias Maxime)
et Balbin
(Marcus Clodius Pupienus Maximus
et
Decimus Caelius Calvinus Balbinus)

Balbin et Pupien (que l’on nomme aussi Maxime) naquirent tous deux dans le courant des années 170. Toutefois Maxime aurait été un fifrelin plus âgé que Balbin.
Ils faisaient partie de la classe sénatoriale puisqu’ils étaient, l’un comme l’autre, issus de vieilles familles patriciennes. Cependant, la « gens » de Balbin se glorifiait d’une origine plus illustre et plus antique que celle de Pupien.
Tous deux exercèrent les fonctions de gouverneur dans diverses provinces de l’Empire. Ils furent aussi plusieurs fois consul.

En 234, Maxime Pupien, que ses biographes nous présentent comme un personnage austère et sévère, remplit les fonctions de Préfet de la Ville de Rome. L’autoritarisme forcené dont il fit preuve à ce poste lui valut l’hostilité tenace du petit peuple de la Ville.
Quant à Balbin, si les historiens antiques le prétendent plus débonnaire, plus épicurien, bref, plus cool que son collègue Maxime, ce n’est apparemment que par souci esthétique, afin éviter l’uniformité des caractères de leurs personnages, car finalement, ni ces historiens ni nous ne savons grand-chose de ces deux bonshommes avant les événements de 238.
balbin – balbinus

Or donc, au début de l’année 238, le cruel Maximin le Thrace, un soudard sanguinaire et barbare, régnait sur tout l’Empire romain. Pour financer son seul « menu plaisir », à savoir ses guerres, le cruel autocrate avait multiplié les exactions. Un peu partout, le mécontentement grandissait.

Ce furent des grands propriétaires terriens de la province d’Afrique (Tunisie actuelle) qui, les premiers, levèrent l’étendard de la révolte. Ils prirent les armes contre un agent du fisc de tyran. Le percepteur fut massacré ainsi que les quelques soldats chargés de sa protection. Pour légitimer leur rébellion et diluer les responsabilités, ils obligèrent presque Gordien, un vieux sénateur octogénaire qui passait par là, à ceindre la couronne impériale.

L’ancêtre couronné, qui avait entre-temps désigné son fils (Gordien II) comme co-empereur, parvint miraculeusement à s’emparer de Carthage, la capitale de la province.
Succès bien éphémère : un certain Capelianus, commandant des troupes de la province de Numidie, un fidèle d’entre les fidèles de l’empereur Maximin, rassembla ses soldats aguerris, marcha sur Carthage, écrasa les maigres troupes des Gordiens et liquida les usurpateurs.

Après seulement trois semaines de règne, Gordien et son fils étaient morts, enterrés, et leur révolte étouffée dans l’œuf.

Maximin était-il tiré d’affaire ?
Pas du tout !
Gordien, l’empereur malgré-lui, avait eu le temps de se faire reconnaître par Rome où le Sénat et le peuple, unanimes et enthousiastes, s’étaient ralliés à sa cause.

Je vous laisse imaginer la peur panique qui s’empara de l’ensemble de la population romaine quand lui parvint la nouvelle de l’échec sanglant des Gordiens. En effet, le Sénat avait emboîté le pas aux rebelles et le peuple avait massacré tous les partisans romains de Maximin. Tous savaient parfaitement qu’ils n’avaient aucune indulgence à espérer du sanguinaire barbare couronné qui gouvernait l’Empire. Pour le dire crûment, du respectable patricien au dernier des mendiants du Transtévère, tous faisaient dans leur froc !

Tremblant de son audace, le Sénat, contraint à une fuite en avant, commença par déclarer Maximin ennemi public. Ensuite, au terme d’une procédure fort inhabituelle (désignation préliminaire de vingt co-régents – les vigintivirs), les Pères conscrits, un peu pour défendre la patrie en danger, beaucoup pour sauver leur peau, élirent deux empereurs dotés d’un pouvoir égal. Ce furent Pupien et Balbin qui revêtirent la pourpre. Ils se répartirent les tâches : le premier s’occuperait des questions militaires tandis que Balbin maintiendrait l’ordre dans la Capitale

Cette désignation ne plut guère à la plèbe romaine qui haïssait cordialement Maxime Pupien, naguère trop autoritaire Préfet de la Ville. Les Sénateurs furent assiégés dans le Capitole jusqu’à ce qu’ils acceptent enfin d’adjoindre aux deux nouveaux co-empereurs un parent des Gordiens d’Afrique. C’est ainsi qu’un enfant de treize ans, petit-fils du vieux Gordien et neveu de Gordien, fut élevé à dignité de César et héritier des deux empereurs du Sénat. Ce gamin deviendra l’empereur Gordien III.

Ce triumvirat (Balbin, Pupien et le jeune Gordien) parvint sans peine à se faire reconnaître par la plupart des provinces qui avaient, trop hâtivement, octroyé leur appui aux Gordiens et craignaient maintenant le courroux de Maximin le Sanguinaire. Cependant, le pouvoir des co-empereurs restait contesté à Rome même, où les soldats de la garde prétorienne, suspects de sympathie pour l’empereur Maximin et agressés par une foule surexcitée, s’étaient retirés, menaçants, dans leurs casernes… non sans avoir au préalable incendié une bonne partie de la Ville.

L’empereur Maximin, qui se trouvait sur les rives du Danube avec le gros de l’armée, apprit ces événements avec un calme surprenant. Bien qu’il ne prît pas au sérieux les concurrents qui lui étaient opposés (des sénateurs pantouflards et un jeune morveux !), il se décida néanmoins à marcher sur Rome. De toute façon, pensait-il, ce ne serait qu’une promenade militaire ; comment ces Italiens dégénérés pourraient-ils résister aux légionnaires vainqueurs de tant de Barbares ?

Maximin, à la tête de ses troupes, franchit donc les Alpes sans encombre, pénétra en Italie… et tomba sur un os : la ville d’Aquilée, porte de l’Italie du côté de l’Adriatique et place-forte puissamment fortifiée, largement pourvue en hommes et en vivres.

Il faut dire que Maxime Pupien, l’empereur du Sénat, à défaut d’être un grand homme de guerre, était néanmoins un stratège réaliste. Sachant parfaitement que ses chances de vaincre en bataille rangée les troupes aguerries de Maximin étaient quasi nulles, il avait adopté la tactique de la « terre brûlée ».
Le siège d’Aquilée prit donc une tournure inattendue : sur les remparts, les assiégés festoyaient à longueur de journée, au nez et à la barbe des assiégeants, qui, eux, crevaient de faim. Le monde à l’envers !

Et les soldats de Maximin de grogner…
Et l’empereur de s’énerver… Un jour, hors de lui, il accusa ses généraux de sabotage, d’inertie, de mauvaise volonté, de défaitisme, voire de trahison, se saisit de quelques-uns d’entre eux, et, pour l’exemple, les fit exécuter sur le champ.
Cette brutalité injustifiée n’accrut pas la popularité de l’empereur. Les généraux survivants et les légionnaires désemparés se mirent d’accord pour assassiner leur chef.

Maximin et son fils furent massacrés par leurs troupes et leurs têtes coupées, furent envoyées à Rome en signe de soumission aux empereurs du Sénat.

Mais la mort de Maximin ne signifiait pas encore la fin des troubles.
Maxime et Balbin ne s’entendaient guère entre eux. De plus, tous deux étaient cordialement haïs par les Prétoriens qui n’avaient pas digéré l’affront d’avoir été évincés du si rentable processus de désignation des empereurs. Quant à la défaite de Maximin, elle les prit totalement au dépourvu. Elle déconcerta, puis elle inquiéta terriblement ces Prétoriens déjà très mécontents de l’évolution de la situation. « Si nous n’agissons pas rapidement, se dirent-ils, non seulement nous n’aurons plus jamais voix au chapitre lors des désignations impériales, mais nous demeurerons, pour toujours, les larbins de ces empereurs issus du Sénat, de ces ploucs qui ne connaissent rien de rien à l’art de la guerre ! »

Et au début du mois de mai 238, les soldats de la Garde Prétorienne passèrent à l’action, brusquement et brutalement.
Tandis que le peuple, insouciant, était occupé à fêter la victoire du Sénat et à célébrer les jeux Capitolins, les Prétoriens firent irruption dans la ville et se saisirent des deux empereurs.

Balbin et Maxime Pupien passèrent un fort mauvais dernier quart d’heure. Les soldats les dépouillèrent de leurs vêtements, arrachèrent leur barbe et leurs sourcils, les passèrent à tabac dans la plus pure tradition gestapiste, puis les traînèrent, nus et pantelants, à travers toute la Ville jusqu’à leur camp. Ce n’est qu’arrivés là qu’ils donnèrent le coup de grâce aux carcasses sanguinolentes des empereurs déchus.

Maxime Pupien et Balbin n’avaient régné que trois ou quatre mois. L’enfant Gordien III, acclamé par les militaires, intéressés, et par le peuple, résigné, leur succéda.